En cette fin de ce mois de février, Tikjda est recouverte d'un épais manteau de neige. Ses plis blancs couvrent le sol d'une poussière blanche qui brille de mille feux sous un soleil de printemps. De loin, Tikjda ressemble à un immense et savoureux gâteau de sucre glace dans lequel on voudrait croquer à pleines dents ! De chaque côté, sa « crème » glacée et fondante se déverse sur les « plateaux » verts, gris ou ocres. Quelques gourmands sont déjà en place, se délectant avec un plaisir évident de cette « friandise » accrochée sur les monts du Djurdjura. Une confiserie qu'ils dégustent tranquillement, sans se presser, nullement gênés par le froid qui s'en est allé en même temps que les tempêtes de neige. C'est une brise légère et parfumée qui caresse les visages et fait danser les arbres sous les rayons d'un lustre doré. La cerise sur le gâteau n'est autre que les petits chalets à la toiture rouge, romantiques, qui rappellent la maison des sept nains de Blanche Neige. Le rêve de tout citadin, épuisé par les bruits et les odeurs de la ville. Le chalet d'El Kef, en tout cas, affiche complet jusqu'au mois de mars ainsi que l'hôtel du centre de loisirs et des sports. Sans être des infrastructures de luxe, ces structures offrent quand même un maximum de confort. Mais surtout des vues incomparables sur le mont du Djurdjura. De magnifiques tableaux peints magistralement par mère nature, accrochés sans support, sans cadre. Il n'y a rien de tel que d'ouvrir sa fenêtre, de bon matin, et de flatter l'œil avec des paysages féeriques, presque irréels. La forêt du parc national de Djurdjura, dont les arbres, des cèdres et des chênes notamment, parsemés de taches neigeuses, incite les plus paresseux à la promenade, sous le regard curieux de singes gourmands guettant les visiteurs en quête de friandises. La station de ski, qui épouse l'un des flancs de la montagne, incite les plus chevronnés à glisser ou survoler les pistes. Au-dessus de celle-ci, on peut apercevoir les « restes » de télésièges et des remontées mécaniques qui faisaient jadis le bonheur des skieurs il y a de cela une vingtaine d'années. « J'avais 14 ans quand je suis venu ici pour la dernière fois. Le télésiège fonctionnait encore et c'était mon endroit favori. Car de là j'apercevais les skieurs et le mont du Djurdjura. Je me souviens qu'une fois, le télésiège est tombé en panne durant un quart d'heure. Pendant ce temps, nous étions restés suspendus dans l'air. Les femmes hurlaient de peur... moi, j'étais ravi ! », se souvient ce visiteur d'une trentaine d'années. D'autres adolescents auront peut-être la chance de partager ce plaisir. En effet, un projet de réhabilitation des télésièges et les remontées mécaniques est, en effet, en cours. « L'étude technique est terminée et ne reste que la phase de concrétisation », affirme Lounis Chebouti, administrateur adjoint du centre de loisirs et des sports qui précise que la saison de ski se poursuit jusqu'au mois d'avril. Jusque-là, les week-ends sont déjà réservés à l'avance. Ceux qui peuvent échapper à leur travail pendant la semaine, peuvent réserver en dehors des week-ends. Mais pour cela, il faut faire vite. Le site en vaut vraiment la peine. Ici, on se croit vraiment à l'abri de tout et on a l'impression que Djurdjura s'étend à l'infini. Et dire que la mer est juste là, à côté, allongée paresseusement sur les côtes de Tipasa, à 150 km à peine de Bouira ! LA CORNE D'OR, UNE EPAVE AU BORD DE LA MER Une mer à peine agitée par un vent timide à la fin du mois de février. Des petites vagues se jettent furieusement contre les rochers, comme pour protester contre le printemps qui a tendance à vouloir tempérer leur ardeur. L'odeur d'iode remplit les narines et le regard a du mal à contenir toute l'étendue bleu turquoise qui se meut selon son humeur. A cette époque de l'année, c'est le calme à Tipasa. Idéal pour ceux qui aspirent au repos et au silence, en dehors de l'agitation de la saison estivale. Pour ce qui est des infrastructures hôtelières, ils auront l'embarras du choix. Le complexe touristique la Corne d'or à leur tête. Bien qu'il ne soit plus ce qu'il était il y a de nombreuses années de cela. A le voir, on oublie presque qu'il faisait partie de l'un des groupes hôteliers les plus connus dans le monde dans les années 70, dessiné en plus par le célèbre architecte Fernand Pouillon. Les bungalows, surtout, sont des épaves au bord de la mer. Mais peut-être que la vue sur mer, sublime, atténue quelque peu l'inconfort, leur inconfort. Mais côté restauration, personne n'aura à se plaindre. Sur le port, les restaurants ne manquent pas, avec comme menu principal, du poisson frais à profusion. Une fois rassasiés de sardines marinées ou encore de salades fraîches, une visite s'impose. Tout d'abord, le Tombeau de la chrétienne. Superbe, énigmatique, mystérieux qui, des centaines d'années après sa naissance, refuse toujours de livrer ses secrets. Ensuite, une petite balade du côté de la cité romaine. Un peu comme pour remonter le temps. Admirer les vestiges, deviner les mises en garde des dieux imaginés par les fidèles ou les prières des fantômes qui hantent encore la basilique, les amphithéâtres et les couloirs harmonieux qui descendent jusqu'à la mer. Une mer de plus en plus gourmande d'ailleurs, qui happent les vestiges. Combien de pierres, de dalles, de mosaïques ont-elles été englouties sevrant nos archéologues d'une étude, d'un classement, d'une exposition publique ? Déjà qu'ils ont du mal avec celles qui sont sur la terre ferme ! Et dire que l'Algérie est le plus grand réservoir de vestiges romains dans le monde, avant même l'Italie ! Mais il faut dire que ce triste sort n'est pas réservé seulement aux ruines romaines. Les vestiges sahariens ne font pas exception. A Béchar notamment. ET LA GRAVURE RUPESTRE DEVIENT... CARTE DE VISITE ! Une ville exceptionnelle par ses atouts naturels où l'homme n'a aucun mérite. Des atouts qui valent le détour, mais pour cela, l'avion s'impose. A moins que les touristes, friands d'aventures, n'affectionnent les périples routiers. 1000 km environ séparent Béchar d'Alger. Les montagnes et la mer sont bien loin ! Mais pas pour ceux qui ont respiré l'air de Tikjda et humé l'odeur de la mer avant d'atterrir dans le désert. Le contraste est saisissant. Passer de la neige au soleil en peu de temps est assez déroutant mais si facile à réaliser dans notre pays. En l'espace de 48 h, on peut passer d'un paysage à un autre, d'un climat à un autre, d'une vie à une autre. D'un vestige aussi à un autre. Car dans le désert, les Romains n'ont plus le rôle principal. Au fait, ils n'en ont aucun dans le Sud. Ici, ce sont les hommes préhistoriques aux doigts habiles qui règnent en maîtres absolus, qui ont fait naître l'art rupestre. A Taghit (90km de la ville de Béchar), les gravures rupestres de cette ancienne population sont encore visibles sur les parois. Comme une sorte d'ouvrages scientifiques, les parois dépeignent sur différentes pages les animaux qui vivaient à cette époque-là. Mais ces gravures, hélas, ne portent pas seulement les traces des anciennes populations, elles sont aussi maculées par celles... d'aujourd'hui. Des noms et adresses tracés grossièrement avec de la peinture entaillent les gravures. Mais selon les experts, cette peinture peut être effacée et les parois pourront retrouver leur éclat. Mais ce n'est pas le cas des gravures « modernes », réalisées par des mains inconscientes, ineffaçables, qui défigurent définitivement les dessins rupestres. A Beni Abbès aussi (150 km de la ville de Béchar), des parois portent des traces très anciennes. Mais celles-ci sont l'œuvre de mère nature et non de l'homme. Des fossiles qui remontent à 360 millions d'années et témoignent de la présence de la mer dans le désert. Situés dans un endroit assez isolé, les fossiles ont, fort heureusement, pu être préservés de la bêtise humaine. LES OASIS OÙ IL FAIT BON VIVRE Mais à Béchar, il n'y a pas que les gravures rupestres et les fossiles. Il y a aussi et surtout les palmeraies, les petites oasis, magnifiques, des petits morceaux de paradis et les dunes, des océans de sable dont l'étendu défie l'horizon. Qu'il est bon de se balader sous l'ombre des palmiers et le nid des oiseaux qui chantent à pleins poumons, écouter couler l'eau qui donne vie aux légumes et aux fruits que les paysans cultivent dans leurs petits jardins. Il suffit alors de tendre la main pour cueillir une fève ou une feuille de laitue, juste pour goûter à quelque chose qu'on sait frais à 100%. Surtout à Taghit où la production locale est plutôt bonne. On peut dire que c'est une commune qui se suffit à elle-même en matière de légume même si les méthodes agricoles restent traditionnelles. Ce n'est pas le cas, toutefois, de Beni Abbès, où l'agriculture n'a plus vraiment de place. Les agriculteurs se font vieux et les jeunes ont d'autres intérêts. La relève dans ce domaine n'est pas assurée. Contrairement à Taghit, Beni Abbès ne se nourrit pas de ses propres légumes et fruits. Elle les « importe » de Mascara. Mais comme Taghit, Beni Abbès a des atouts touristiques considérables. Les dunes à elles seules représentent tout ce qu'il y a de plus beau. C'est là, sur ses sommets, ou blotti contre elles, que l'homme chasse de son âme tout ce qui n'est pas Dieu, comme le dit si bien le père Foucauld. Mais les dunes ne sont pas aussi « sages » qu'on le croit. Elles sont aussi sources de sensations fortes que seule une moto ou une paire de ski, qu'on peut louer, peuvent procurer. La chute en plus, si chute il y a, est des plus douces. Mais une fois l'adrénaline secouée et apaisée, on éprouve le besoin de se fondre dans la sérénité dont le désert a le secret. Et là, au sommet d'une dune, en fin de journée, notre regard est attiré par l'horizon, où le coucher du soleil diffuse son dernier éclat avant de se retirer avec grâce, laissant place aux ténèbres et aux astres brillants parmi lesquels la planète Vénus qui parade comme une reine. Le froid glacial s'engouffre déjà et rappelle celui des montagnes et celui de la mer en plein hiver. De la montagne à la mer, de la mer aux dunes,... quelle aventure !