Il ne passe pas un jour au pavillon des urgences où on ne voit pas de femmes maltraitées. La maltraitance des femmes est en même temps un fléau répandu et un sujet tabou qui ne dépasse pas le cercle familial. En 2012, et dans la capitale, les femmes sont toujours brutalisées. Dans plus de la moitié des cas, la maltraitance porte sur les violences conjugales. Il s'agit souvent de violence physique, mais aussi d'humiliations, de menaces et de privations, y compris de nourriture. Dans certains cas, les auteurs des sévices sont les parents, les frères ou la belle-famille. Selon un récent rapport de la police, plus de 7.500 femmes ont subi diverses formes de violences, durant les premiers dix mois de l'année 2010, à l'échelle nationale. Les actes de violence envers la femme vont du harcèlement sexuel, au viol, en passant, bien entendu, par des coups et blessures. La situation est dramatique et les statistiques avancées restent en deçà de la réalité, en l'absence de plaintes déposées par les victimes qui favorisent l'option d'étouffer l'affaire ou encore « laver le linge sale en famille », pour ne pas être la risée du quartier. Oser déposer une plainte contre son père, son frère ou son mari est carrément un blasphème pour l'Algérien. Les chiffres relatifs aux femmes battues même s'ils sont loin de refléter le cauchemar vécu par cette catégorie et les sévices subis, montrent d'ores et déjà que le fléau va crescendo et évolue dangereusement puisque, durant les six premiers mois de l'année 2008, les femmes ayant subi des violences étaient au nombre de 2.675 pour passer à 4.409 en 2009, selon les statistiques des services de la Sûreté nationale. Ce constat a été mis en évidence dans un rapport d'enquête de l'Office national des statistiques. Alors, vous imaginez un peu l'ampleur de ce phénomène ! Elles viennent généralement pour recevoir des soins. Et quand on leur demande si elles veulent un certificat descriptif des lésions afin de déposer une plainte auprès des autorités, elles hésitent ou parfois refusent catégoriquement l'idée ! Ce qu'elles ne savent pas, c'est que personne n'a le droit de les brutaliser de la sorte, ni les parents ni le conjoint. Le statut inférieur auquel sont contraintes bien des femmes les rend vulnérables à la violence. Elles ont peur des conséquences, c'est pour cela qu'elles refusent ce droit. Les médecins discutent avec elles, leurs prodiguent les soins nécessaires et leurs expliquent la procédure. Car la femme qui passe au pavillon des urgences, obtient un certificat provisoire qu'elle doit présenter au médecin légiste. Ce denier lui donne le certificat définitif qu'elle présentera au commissariat. Le plus souvent, on n'est pas étonné de voir plusieurs certificats du genre chez des femmes, car les bourreaux sont généralement des récidivistes. Dans certaines situations, elles mentent et disent qu'elles sont tombées ou vous inventent des histoires, mais il suffit d'être attentif pour comprendre leur situation. La prise en charge de ces femmes a longtemps été considérée comme un problème social et judiciaire, le rôle des médecins se limitant à la rédaction de certificats médicaux et aux soins d'urgence. C'est faux, parce que le médecin est la première personne qui peut écouter et comprendre cette victime, à condition d'améliorer sa formation et de faciliter les conditions d'une prise en charge rapide et adaptée des victimes, d'assurer un accompagnement et un suivi des conséquences de ces maltraitances.