Avec son stress constant, son chômage endémique, ses mutations sociales et technologiques, la vie moderne vient aggraver l'état physique ou psychique des enseignants. La médecine du travail un peu partout dans le monde a bien étudiée ce phénomène et cela lui a permis de répondre à plusieurs questions. A quoi expose cette profession ? L'enseignant est différent des autres fonctionnaires ? Et bien d'autres questions... Il est communément admis que les professionnels de l'éducation sont particulièrement touchés par des cas de laryngopathologie (maladie atteignant le larynx) telle que la dysphonie (troubles de la voix). Qu'ils sont exposés à la craie de mauvaise qualité – toxique -, à des salles mal aérées et poussiéreuses, mais surtout contraint d'user de la voix, l'enseignant souffre de maladies liées à la sphère ORL. Et ce n'est pas tout. Il n'y a pas que la fatigue physique qui guette, le psychisme n'est pas en reste. Des problèmes psychologiques commencent à surgir avec autant de fréquences que les maladies organiques. Les enseignants souffraient de plusieurs problèmes psychologiques ou psychiatriques après une période de travail : les troubles de l'humeur, l'anxiété, les troubles de la personnalité et les troubles psychotiques. Plusieurs études en Italie ou en France ont confirmé que les femmes souffrent deux fois plus que les hommes de dépression et trois fois plus d'anxiété. Pour les autres problèmes de santé, les enseignants hommes sont bien plus « à risques » que leurs collègues femmes. Les plus exposés sont les hommes qui travaillent dans les classes maternelles et les femmes qui enseignent dans les lycées. Pour expliquer ces pathologies mentales qui ne cessent de progresser dans certaines professions – l'enseignement est le métier le plus exposé – un concept a émergé dès les années 1980. Le « burn out » (en anglais) se définit comme une brûlure interne. Selon Herbert J. Freudenberger « un psychanalyste européen » le décrivait en ces termes : « En tant que praticien, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d'incendies, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l'action des flammes, ne laissant qu'un vide immense à l'intérieur, même si l'enveloppe externe semble plus ou moins intacte. » Pour les enseignants, ces flammes, dont parle ce spécialiste, ont pris la forme des conditions d'exercice de leur métier. Conditions matérielles dans les établissements, pouvoir d'achat, relation de travail avec leurs supérieurs, pression et volume horaire générés par les programmes surchargés, angoisse des parents dont les attentes déboussolent l'enseignant : autant de facteurs qui aggravent les choses. Les solutions existent. Elles peuvent amoindrir dans un premier temps le calvaire des enseignants. On parlera du filtre à l'entrée en carrière. Ne pas se contenter du concours académique de recrutement, mais multiplier les entretiens avec les postulants afin de détecter les personnes à risque. Assurer un suivi psychologique pour les plus fragiles notamment les nouveaux. Sur le plan purement professionnel, il y a lieu d'établir un climat de solidarité et d'entraide au sein des établissements scolaires et favoriser la collaboration interdisciplinaire. En finir avec l'image de la caserne où le directeur ou l'inspecteur sont perçus en tant que supérieurs et pères fouettards. En 1925 déjà, Freud classait leur métier parmi les trois professions impossibles avec la politique et la psychanalyse. A l'évidence, tous les métiers exposent d'une manière ou d'une autre – leurs pratiquants à des contraintes qui parfois génèrent des maladies. Mais, le mal des enseignants est un fait réel et urgent que doit prendre en compte les gestionnaires des systèmes scolaires. Autrement, la « bougie » finira par ne plus éclairer !