Le musée régional du Moudjahid de Tizi Ouzou a entamé, depuis quelques années, un travail méritoire visant à préserver et à entretenir, par le biais de rencontres périodiques, la mémoire des chouhada. Les enregistrements audiovisuels, qui accompagnent l'initiative, constitueront la matière qui servira à ceux qui se penchent sur l'histoire. Régulièrement, on célèbre l'un de ces hommes qui se sont sacrifiés pour la liberté et la dignité. Des membres de sa famille, des moudjahidine évoquent son parcours, ses faits d'armes pour que nul n'oublie et transmette le message de Novembre. Samedi dernier, ce fut au tour d'un valeureux officier de l'ALN, Moh l'Indochine, de son vrai nom Fahem Mohamed, d'être honoré en présence notamment du président de l'APC de Boudjima dont il est originaire. Cet élu a évoqué l'importance de l'histoire pour tout peuple qui, dira-t-il, « doit savoir d'où il vient, a fortiori un peuple comme le nôtre qui plonge ses racines dans le lointain passé ». POSTURE OFFENSIVE Le chahid tombera au champ d'honneur en janvier 1959 lors de la bataille de Tizizith aux alentours d'Aït Frah, un village de Larbaâ Nath Irathen avec une soixantaine de ses compagnons. Il doit son nom de guerre à son passage en Indochine ou il s'était engagé très jeune. De nombreux Algériens et Marocains furent enrôlés par la France pour combattre le Vietminh. Le film Lotus d'Amar Laskri est l'un des rares, sinon le seul, à évoquer cette tranche d'histoire encore méconnue. Pour revenir à la cérémonie, entrecoupée de youyous de femmes, des poèmes d'une simplicité émouvante sur le courage de Moh l'Indochine et l'épopée révolutionnaire ont été déclamés. Dans l'assistance, sa veuve, ses petits-enfants et son unique fils Lounès qui n'a pas connu son père. « Nous avons été éloignés de notre maison transformée en camp de l'armée française pour nous réfugier chez nos oncles à Tarsift un village de Mizrana ou j'ai passé mon enfance ». Il ne garde aucune photo de son père mais des images de ces hommes auxquels il a rendu un vibrant hommage. Il se souviendra du napalm déversé sur la forêt, des tentatives d'incendies mais « la Mizrana n'a jamais brûlé », dira-t-il. De l'avis de nombreux moudjahidine, l'apport de ceux qui ont fait l'armée française ou l'Indochine était très important. Hormis eux, peu connaissaient les techniques de la guerre et du combat. L'ALN était, surtout à ses débuts, constituée de paysans sans aucune instruction militaire. A Mizrana, confiera un de ceux qui ont connu Moh l'Indochine, il était seul à connaître comment dégoupiller une mine explosive qui a brûlé des combattants. Le chahid, né en 1926 au douar Yaskrene, a été des mois durant chargé de l'instruction dans les zones 3 et 4. Il se verra ensuite confier la direction d'une compagnie composée de 110 éléments. « Il ne prônait pas la posture défensive mais l'offensive », dira un des rescapés de cette compagnie de choc. Mohand Amjahed, tireur de pièce, rappellera « que la tactique de l'armée française était de repérer les moudjahidine et de faire intervenir l'artillerie et l'aviation. » « Moh l'Indochine nous disait alors d'attaquer l'ennemi pour éloigner l'aviation qui risquait dans la confusion de bombarder les soldats français », ajoutera-t-il. Apprécié par les officiers de la wilaya III comme Amirouche et plus tard Mohand Ulhadj, dont deux enfants ont évoqué les sacrifices inestimables des martyrs, il sera élevé au grade d'aspirant. M. Boutalbi et d'autres ont confié que « si on n'a pas rencontré ou côtoyé l'homme, on en entend parler forcément ». Des témoignages ont accrédité sa participation à l'attaque du camp d'El Horane le 14 février 1958. 14 soldats français furent alors emprisonnés et des armes et munitions récupérées. Moh l'Indochine, qui a lutté dans les maquis de Makouda et de la Mizrana, a commandé aussi une attaque sur le poste de Tarihant où des soldats ennemis furent désarmés et capturés. Un commissaire politique de l'époque dira de cette action « qu'elle a constitué un véritable encouragement pour les militants qui étaient quelque peu découragés ». Aujourd'hui l'école primaire de cette importante bourgade porte son nom. Au-delà de l'hommage au valeureux martyr, l'occasion a permis à un homme comme Mouh Oumouh, qui a été honoré lors du récent congrès de l'ONM, d'évoquer l'injustice du colonialisme. Le serment a été renouvelé pour que les idéaux d'une grande révolution ne soient pas jetés dans l'oubli. Notons que la cérémonie s'est déroulée en présence de jeunes d'une association de Sidi Bel qui s'intéressent à l'histoire de la wilaya où, disent-ils, « ils ont trouvé beaucoup de vestiges liés à la révolution et reçu un accueil chaleureux. »