Après les salles de cinéma, certaines bibliothèques municipales, c'est autour des librairies qui, peu à peu, meurent d'une mort lente. Il en a été de même ces derniers temps pour « la librairie Socrate » qui n'a pas pu franchir la ligne rouge et commerciale, pour pouvoir s'imposer sur la scène livresque. Ce n'est peut-être pas la plus belle librairie d'Alger, la librairie Socrate, mais c'est une librairie. Un point de vente, un lieu de voyages et de rencontres. Les livres étaient là pour parler au lecteur de passage, raconter à ceux qui voulaient bien se donner la peine d'en franchir le seuil dans cette rue, à deux pas de Didouche Mourad, et proche de ce qu'on appelle depuis toujours le cinéma l'ABC. Entre les premières lettres de l'alphabet de la salle de projections de films et la librairie Socrate il n'y avait que le gué culturel à enjamber. La lecture. Elle s'est fait très vite un nom la « librairie Socrate ». Un joli lieu d'échanges et de sociabilité que la librairie Socrate ; de débats, de convivialité, alors qu'un climat « d'insécurité commerciale » sournoisement planait au-dessus d'elle sans qu'elle le nomme. Universitaires, journalistes, hommes de lettres et des amis d'horizons divers venaient passer quelques instants avec Mohamed et Hafid. La vente des livres n'était guère encourageante et déstabilisait la situation financière. Ils ont tenu la barre. Un an. Deux ans. Et puis les livres c'est moins bon que les pizzas, chawerma, les Mac quelque chose, ça ne remplit pas la panse. C'est trop cher. Le désengagement culturel à tous les niveaux aidant, a également sa responsabilité. Et voilà qu'après l'Espace Noun et bien d'autres « surfaces livres », elle vient de rendre les armes. Encore un lieu de culture qui ferme sa porte mettant la clé sous le paillasson. Mohamed et Hafid ont fait de la résistance dans leur librairie baptisée du nom prestigieux de Socrate. Ils ont tenté l'aventure, croyant à un monde meilleur de la lecture. Ils l'ont créée avec toute la détermination de personnes ayant côtoyé le monde livresque depuis des décennies. On venait les voir faire un brin de causette, faire un tour d'horizon sur l'actualité et les nouvelles parutions et nous imprégner, pour ceux qui aiment, de cette atmosphère si spécifique au monde de l'évasion, du partage de l'imaginaire et de la réalité bien souvent.