Au-delà du jugement auquel il aboutira, le procès à Oslo de Anders Breivik permet de voir comment le discours de la peur a abouti au discours de la haine. Une haine qui a été à l'origine d'un déchaînement de violence inouïe dont ont été victimes des dizaines de jeunes gens. Cela a eu pour conséquence le choc que nous connaissons et le retentissement international de cet événement. On peut, sans risque de se tromper, dire que les crimes de Breivik sont le pendant extrémiste européen du choc du 11 septembre et des autres attentats attribués aux activistes islamistes enregistrés depuis lors en Occident. Mais si Breivik est passé à l'action doit-on se limiter à n'y voir que la thèse de l'acte isolé servie à l'opinion pour mieux la rassurer, si ce n'est pas pour l'endormir ? Si on devait se référer à la manière avec laquelle les services de sécurité français ont agi dans l'affaire Mohamed Merah, on comprend aisément qu'il y a d'autres Breivik tapis à l'ombre de la menace islamiste. Cette dernière qu'on monte en permanence en épingle dans les médias occidentaux, permet en fait de cacher la forêt troublante de la droite radicale violente. La menace islamiste existe mais vouloir faire croire qu'elle est seule à effrayer les populations serait pour le moins une imposture. Sinon, pourquoi la police et les services français ont tout de suite arrêté des présumés coupables dans les milieux néonazis après l'assassinat des premiers militaires français ? Il n y avait aucune démarche improvisée. Cela signifie tout bonnement que les milieux de l'extrême droite représentent une menace suffisamment sérieuse pour aller fouiner directement dedans. Une menace aussi réelle que la menace islamiste tant et tant de fois mise en exergue dans les médias. Les services de sécurité quant à eux, ont d'autres grilles d'analyse que les médias. Pour beaucoup de spécialistes des milieux de l'extrême droite en Europe, Breivik est largement représentatif de la mouvance néo-populiste qui a le vent en poupe en ce moment. Les idées et les thématiques de Breivik – la lutte contre le multiculturalisme et la menace islamiste – sont de la même teneur que ce qui se développe dans les mouvements néo populistes et les adeptes du choc des cultures, exclusivement avec l'Islam en fait. De toute évidence, les mouvements populistes antimusulmans recrutent dans les mouvements radicaux de droite. Si Breivik est passé à l'acte de manière violente, que dire de la vidéo de Geert Wilders le parlementaire ultra nationaliste du PVV aux Pays-Bas, des attaques anti-minarets d'Oskar Freysinger, le membre de l'UDC en Suisse, ou encore des flashes mob saucisson-pinard de riposte laïque en France. Il y a un discours foncièrement anti musulman, grandement extrémiste et populiste qui a aussi ses théoriciens comme la Britannique Bat Yeor, adepte de la théorie du complot conclu entre certains dirigeants européens et des entités arabes pour soumettre les Européens à une posture de Dhimmi sous un pouvoir musulman foncièrement totalitaire. Cette attitude farfelue, n'a rien à envier aux adeptes de la thèse de la néo colonisation et de l'emprise de l'occident sur le monde musulman qui court dans les pays de la sphère arabo musulmane et qui alimente les discours des extrémistes islamistes. EXTREMISME CONTRE EXTREMISME En fait, extrémistes de droite en Europe et extrémistes islamistes sont les deux faces d'une même pièce. Leur terrain de confrontation demeure l'Occident. Cette extrême droite est aussi une évolution de la droite nationaliste d'avant guerre. C'est une extrême droite qui refuse d'être conservatrice, bien au contraire. Dans leur confrontation avec l'islam, ils revendiquent la liberté totale des mœurs, menacée justement par le rigorisme islamiste. C'est en soit une nouveauté et un changement radical par rapport à l'extrême droite des pères, plutôt des grands-pères, foncièrement conservatrice et catholique. Plus intéressant encore, c'est au sein de ces mouvements que l'on retrouve aussi les tendances nationalistes régionalistes contre les Etats centralistes qui se sont développées en Europe. La dimension ethnique se retrouve également dans les discours des extrémistes de droite, à l'inverse de tout ce qu'on connait du nationalisme populiste étroit. Cette évolution du phénomène en Europe inquiète finalement, même si on le voit, les médias préfèrent évoquer plus souvent la menace islamiste que les risques extrémistes de la droite radicale. Pourtant, de toute évidence, le fait d'évoquer plus souvent l'islamisme comme la menace la plus urgente à combattre, alimente grandement les peurs sur lesquelles fondent entièrement leur discours, les extrémistes de droite. Le fait de ne pas rendre compte de la confrontation entre deux extrémismes ne permet pas de réduire justement de leur ampleur, mais au contraire favorise l'un contre l'autre, ce qui en fait est encore plus inquiétant que de désigner un seul danger.