Le scepticisme électoral sera-t-il au rendez-vous des législatives du 10 mai prochain ou bien les discours développés par nos politiques seront-ils susceptibles de stimuler cette envie d'aller accomplir cet acte de citoyenneté ? En tout cas, les spécialistes du domaine avancent de multiples raisons qui peuvent intervenir dans ce processus électoral. L'environnement politique, économique et social, le rôle joué par le mouvement associatif sont, entre autres, les paramètres à prendre en compte pour pouvoir cerner cette problématique à multiples facettes. Mme Fatiha Benabou, constitutionnaliste et professeur à la faculté de droit, estime qu'au plan juridique, les textes de loi mis en œuvre ne laissent aucune place à la fraude, principale raison qui aurait pu décourager les citoyens d'aller aux urnes. Seulement, soutient-elle, « ce sont les hommes qui devront sévir pour mieux contrôler ces élections, car aucun arsenal juridique ne peut à lui seul évacuer la fraude ». Mme Benabou précise que le désintéressement des citoyens à la chose politique est justifié par les fractures sociales et politiques qu'ils sont en train de subir. S'ajoute à cela le rôle « peu » convaincant joué par l'ancienne Assemblée, puisque, confirme-t-elle, « elle n'a pu traiter aucune des grandes questions qui taraudent la société ». C'est une règle générale, une personne qui n'arrive pas à joindre les deux bouts n'a pas le temps de s'occuper de politique, estime-t-elle. A ses dires, les discours des prétendants à ces joutes ne doivent pas se baser sur des principes religieux, ethniques ou linguistiques. Ce qui consacrerait assurément le « communautarisme » dont la portée est dangereuse. L'Algérie, explique-t-elle, est confrontée à des résidus de crise, qui sont les séquelles de la décennie noire. Le lien de citoyenneté a été, de ce fait, rompu en raison d'une crise de confiance qui s'est installée entre les gouvernés et les gouvernants. En somme, selon cette constitutionnaliste, ces élections législatives constituent un « test » électoral pour notre patrie « aujourd'hui promise à un avenir meilleur si chacun y met du sien ». « LES ALGERIENS VOTENT POUR DES SYMBOLES » Ahmed Adimi, professeur en sciences politiques, part du principe que le taux de participation à ces élections ne peut pas être cerné étant donné que l'électorat algérien est toujours méconnu en l'absence de centres de sondage fiables. Seulement, cette fois-ci, cette consultation électorale se tiendra dans une période « particulière », marquée par des révolutions arabes ayant complètement changé la donne politique dans la région. M. Adimi tient à préciser que les Algériens ne votent pas pour des programmes politiques, mais pour des symboles ou pour de grandes personnalités politiques, « intègres, propres et compétentes ». Malheureusement, dira-t-il, nos médias ne contribuent pas à la création de ces symboles. D'après lui, le paysage politique actuel est constitué de trois catégories. Celle de l'ancienne alliance présidentielle ayant vendu « moult promesses aux Algériens ». La deuxième catégorie est constituée de trois ou quatre petits partis politiques qui occupent le petit écran et les affiches pendant une période électorale pour ensuite « rentrer chez eux et revenir à l'occasion d'un autre scrutin ». Ceux-ci développent, selon lui, « un discours primaire fondé parfois sur des promesses illusoires ». La troisième catégorie, elle, est constituée des nouveaux partis politiques représentés par d'anciennes têtes que le peuple a rejetées par le passé. Toutes ces données, dira Adimi, ont engendré « une campagne électorale très froide », puisqu'elle est animée par des « politiques ayant déjà montré leurs limites ». Ce professeur en sciences politiques préconise de mettre en place une nouvelle « classe politique qui a les moyens de ses ambitions et capable d'amorcer le véritable changement ».