Depuis quelques années, de nombreux ouvrages paraissent autour de la Wilaya 3. Celle-ci s'étendait sur de nombreuses wilayas actuelles, allant de Sétif à Boumerdès en passant par Bordj Bou Arréridj, Tizi Ouzou, Bouira et Béjaia. Ils évoquaient, comme celui de Saïd Sadi, le colonel Amirouche qui fut un best-seller ou le témoignage du fils de Mohand Oulhadj la vie ou le parcours des chefs nimbés de légendes. D'autres écrits comme ceux de Salah Mekacher, Djoudi Attoumi, Azzi sont plutôt des chroniques de la vie dans les maquis et du rôle des subalternes. Enfin, d'autres auteurs se sont intéressés à des épisodes précis. Benyahia avait dévoilé des aspects de la bleuite et Mohamed Salah Seddiki avait voulu éclairer les dessous de l'affaire dite « Oiseau bleu ». Abdelhafid Yaha vient d'enrichir cette bibliographie. Le premier tome de ses Mémoires * relate les dures réalités d'une guerre cruelle dans une des zones de cette wilaya. Il s'agit de la région de Ain El Hammam (ex-Michelet), dénommée alors commune mixte du Djurdjura qui fut un sanctuaire de l'ALN. L'homme sait de quoi il parle. Originaire de la tribu de la célèbre Fatma Nsoumeur, après une courte période d'exil, Il avait pris le maquis dès 1954 et sera un baroudeur. Il sera dans la fameuse compagnie du Djurdjura, composée des commandos, fer de lance de l'ALN. Elle mènera diverses opérations dans la région montagneuse allant de Illoulene à l'est jusqu'à Boghni à l'ouest. Elle affrontera notamment un bataillon de parachutistes alpins. Celui qu'on appelle encore Si El Hafid était également commissaire politique et à ce titre, au contact direct et quotidien de la population dont il décrit le courage, mais aussi la terreur. Pour lui qui décochera des flèches contre l'armée des frontières. « Nous étions parmi le peuple et loin de Tripoli et des insultes que s'échangeaient sans retenue ni égard les responsables de la révolution » (p.292). Il relate de nombreuses actions auxquelles il a pris part, comme la mort de l'administrateur de Michelet ou plus tard en octobre 1960, celle du sous-lieutenant François d'Orléans, fils du comte de Paris. De nombreuses personnalités comme Abane, Ben Mhidi en route et de retour du congrès de la Soummam, Amirouche, Krim Belkacem, Si Salah ou Mohamedi Said sont évoqués dans ce livre. L'auteur parle de différentes opérations de l'ALN qui ont marqué la mémoire locale mais aussi des méfaits de l'armée coloniale qui a torturé, violé, incendié des villages. Le propre père de l'auteur, Bachir, sera tué au bout d'une héroïque résistance dans une grotte en janvier 1960. Il ne s'agit pas d'évocations abstraites. La mémoire se fait douloureuse pour faire revivre les souvenirs des femmes qui ont sacrifié leur vie. L'héroïsme porte des noms de personnes, de lieux ou des hommes sont morts sans sépulture dans les hauteurs enneigés ou les ravins. Certaines pages sont très émouvantes comme celle de la mort de compagnons abandonnés sur les crêtes neigeuses. Le livre est une chronique de la vie âpre de la population à la merci de la répression et une description de l'organisation ALN-FLN qui reposait sur l'adhésion de la population. On y découvre aussi l'implication de l'auteur dans l'affaire de « la bleuite », la fronde des « officiers » qui avaient tenté de contesté la nomination après la mort d'Amirouche, de Mohand Oulhadj. Les chapitres du livre s'ouvrent sur des extraits de chansons de Lounis Ait Menguelet fort bien choisis, pour dire à la fois l'urgence du témoignage au profit des nouvelles générations et l'ingratitude des hommes et du temps. L'homme qui a été un des principaux dirigeants du FFS payera cet engagement d'un long exil qui n'avait pris fin qu'en 1989. Le second tome de ses Mémoires qui lèveront le voile sur cette période encore méconnue est très attendu. R. Hammoudi « Au cœur des maquis de Kabylie », Récit recueilli par Hamid Arab » Edition Inas - 315 pages, prix public : 800 DA