Les manuscrits ont été pieusement gardés dans les bibliothèques rattachées aux institutions religieuses et jalousement conservés dans les bibliothèques de particuliers jusqu'à la prise d'Alger en 1830, date à partir de laquelle la plupart de ces collections ont été dispersées par destruction, pillage, séquestration, exode, etc. DESTRUCTION Beaucoup de manuscrits algériens ont été détruits lors d'expéditions militaires françaises dont les exactions nous rappellent parfois les pratiques (1) des jeunesses hitlériennes contre les livres des intellectuels français eux-mêmes durant la Seconde Guerre mondiale. (2) Sur ce sujet précis, Berbrugger, qui accompagnait les troupes militaires dans la plupart des expéditions, écrit : « Nos expéditions militaires, en faisant disparaître la majeure partie des livres, ont anéanti de fait la plupart des medersas. Quelques débris de ces recherches littéraires, sauvés de la destruction par des amis de la science, sont déposés à la bibliothèque d'Alger. On en eût accueilli davantage si, au lieu d'une imperceptible minorité, tous les chefs de corps avaient pu comprendre qu'il y a quelque gloire à préserver les monuments du savoir, en quelques caractères qu'ils soient écrits, et s'ils s'étaient opposés à ce que les feux du bivouac fussent allumés avec les nombreux manuscrits arabes pris dans les rhazyah ou dans les villes conquises ». (3) A Constantine, « outre les bibliothèques publiques attachées au mosquées et aux medersazs ou écoles supérieures, il y avait des livres dans la plupart des maisons, beaucoup de ces manuscrits ont péri à la suite du siège ».(4) C'est également l'opinion de l'historien Sédillot qui, dans la seconde édition de son Histoire générale des Arabes (tome 1, 1877, p. 438), telle qu'elle a été reprise par Francis Laloë (5), écrit d'une manière catégorique : « ... Nous-mêmes, après la prise de Constantine, en 1837, nous brûlions comme de vrais barbares les manuscrits arabes trouvés dans la ville ». Le docteur Sédillot, qui assista à la prise de Constantine, décrit, quant à lui, le pillage de la ville,(6) à la suite duquel s'est établi une sorte de marché où des manuscrits, entre autres, ont été vendus ou troqués,(7) sans compter ceux qui furent complètement détruits lors de l'assaut. A Ouargla, « les bibliothèques étaient plus riches il y a une trentaine d'années, mais des troubles causés par l'insurrection de Chérif Mohammed ben Abdellah et celle de Bouchoucha amenèrent la dispersion et la destruction de bon nombre de livres ».(8) (...) En Kabylie, les zaouïas, qui formaient un véritable réseau, étaient mieux implantées qu'ailleurs.(9) Les villages habités par les tolba renfermaient des collections de livres ; (10) des instructions furent données « de porter au Bureau arabe tous les livres manuscrits ; des récompenses étaient promises à ceux qui en apporteraient et ceux qui contreviendraient à cet ordre étaient menacés de punitions sévères ».(11) D'après Gabriel Esquer, les officiers ayant participé à la prise de la ville de Constantine avaient en leur possession des manuscrits qui, une fois rentrés en France, ont, pour les uns, été donnés aux bibliothèques et, pour d'autres, ont été gardés comme souvenir de guerre dans certaines familles.(12 ) Les manuscrits algériens ne se trouvaient pas seulement en France mais aussi dans d'autres pays comme l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, la Hollande, l'Angleterre, etc.(13) (...) PILLAGE Le dernier épisode de pillage des manuscrits algériens remonte au début des années 1960, juste avant la proclamation de l'indépendance de l'Algérie. A en croire certaines sources, les manuscrits de la Bibliothèque universitaire d'Alger n'ont pas été incendiés lors du plasticage de la BUA le 7 juin 1962, mais ont été transférés en France le 7 septembre 1961.(14) Si l'actuel lieu de conservation des archives algériennes,(15) qui ont subi le même sort, est connu, celui des manuscrits de la BUA demeure inconnu jusqu'à présent. Après la proclamation de l'indépendance de l'Algérie, les pillards d'objets d'art, dont les livres rares et précieux, arrivèrent de tous les horizons.(16 « Les grandes universités américaines ne manquèrent pas le rendez-vous et leurs acheteurs écumèrent la rue Michelet jusqu'à l'été 1965 ».(17) L'intervention des collectionneurs étrangers créa à cette époque une sorte de marché fort actif où le patrimoine national écrit fut malheureusement bradé.(18) Outre les manuscrits, les collections d'imprimés des bibliothèques et des centres d'archives ont subi des actes de pillage et de destruction perpétrés par l'OAS, sans compter les cent cinquante tonnes d'archives (19) transférées clandestinement par les autorités coloniales juste avant l'indépendance en les considérant comme « des archives de souveraineté ».(20) RECHERCHES RELATIVES AUX MANUSCRITS ALGERIENS Les premiers travaux de recherche sur l'Algérie menés par les Français dans différents domaines remontent au débarquement du corps expéditionnaire, en 1830, lorsqu'une constellation d'érudits (21) s'intéressa d'abord aux études arabes, (22 à l'instar de l'expédition d'Egypte. Dans le domaine de l'écrit, des recherches ont été engagées en vue de localiser, d'inventorier et d'exploiter tout écrit susceptible d'apporter des éléments d'information ou des renseignements historiques (23) permettant de faciliter le processus de colonisation et de répandre la culture française en Algérie. « Dans les instructions rédigées pour la Section orientale de l'Ecole supérieure des lettres d'Alger, l'Académie des inscriptions et des belles lettres recommandait la rédaction d'un catalogue complet et autant que possible, raisonné des bibliothèques et collections particulières de l'Algérie et de la Tunisie ».(24) A la suite de ces instructions, plusieurs travaux ont été réalisés, certains par des chercheurs civils, d'autres par des militaires. La plupart de ces travaux consistaient à dresser des inventaires des importantes (25) collections publiques et privées des manuscrits arabes qui se trouvaient dans les bibliothèques d'Algérie.