Il fut un temps, lorsque l'Algérie était colonisée, où les artistes prenaient la liberté de dire « non », à leurs risques et périls ! C'est le cas d'Ali Maâchi, entre autres, dont ce désir de liberté lui a coûté la vie. « Sa dépouille fut accrochée à un arbre pour décourager d'autres à suivre son exemple », se souvient l'actrice Farida Saboundji lors de l'hommage que l'association Mechaal Echahid a organisé, hier, au forum El Moudjahid, en l'honneur des artistes ayant participé à la révolution algérienne. Mais aujourd'hui que l'Algérie est indépendante, les artistes ne prennent pas assez de cette liberté chèrement acquise pour dire non « à la dépendance dont la culture est l'otage ». C'est du moins l'avis du cinéaste Amar Laskri qui déplore que l'art dépend toujours d'outre-mer. « Comment peut-on exercer notre métier d'artiste en toute liberté alors que pour réaliser une production cinématographique, il faut se déplacer à l'étranger pour louer des caméras, payer les laboratoires pour développer les films... Techniquement parlant et même dans le contenu, nous dépendons des autres », déplore-t-il en regrettant le cinéma d'antan, àépoque où l'artiste mettait son art au service des autres. Tels que Mohamed Touri, René Vautier, Ali Maâchi et Mohamed Bouzid, des artistes dont la mission n'était pas seulement d'amuser le public mais de lui inculquer des valeurs aujourd'hui oubliées. Des hommes et des femmes qui n'ont pas tous assez vécu pour connaître l'Algérie indépendante mais qui savaient ce que signifiait le mot « liberté ». N'empêche, l'acteur Sid Ali Kouiret ne perd pas l'espoir pour autant en cette nouvelle vague d'artistes dont le rôle est encore ambigu. « Cela viendra », dit-il en appelant à suivre l'exemple de ces artistes révolutionnaires. Moufdi Zakaria, entre autres, qui a écrit Kasaman en prison avec son sang, en compagnie de Ali Maâchi qui, le premier, avait mis cette qaçida en musique, rappelle Abdelhamid Rabia. Ou encore René Vautier qui a été poursuivi pour atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat français pour avoir affirmé, dans l'un de ses films, que « l'Algérie sera de toute façon indépendante ». « Il faut resituer à l'art sa mission originelle, ne plus se contenter de rendre hommage aux artistes...morts », conclut M. Laskri.