Le partenariat d'exception ? Pourquoi pas ? Ce n'est pas faute de volonté politique algérienne que la relation privilégiée n'en a pas exprimé l'intensité recherchée et les perspectives d'un avenir apaisé et maîtrisé. Les nostalgiques de l'Eden perdu, caressant le rêve fou du néo-colonialisme à visage humanitaire, ont continué sous d'autres formes leur « guerre d'Algérie » jamais finie et, au summum du terrorisme destructeur, imaginé le scénario chaotique d'un pays soumis à un embargo de fait. Pendant la décennie sanglante, les apôtres du « devoir d'ingérence humanitaire » que l'on voit fleurir, aujourd'hui, dans le « printemps arabe » de la reconquête impériale, ont tant soufflé sur le brasier pour solder le compte historique de l'Etat national et son capital novembrien imprescriptible. C'était le temps maudit de la conjuration qui, tout en donnant la part belle au mouvement terroriste légitimé et appréhendé en « groupe d'opposition armé », a travaillé pleinement à l'étranglement financier, à l'effondrement attendu et au pourrissement interne par la cotation du « risque algérien » surévalué. La forteresse a tenu bon. C'est en partenaire crédible, soucieux de la liberté durement arrachée et de la stabilité reconquise dans la douleur que l'Algérie historique a tourné en toute sérénité la page des réminiscences coloniales et l'irruption fiévreuse néo-coloniale. Mieux : la main de la fraternisation tendue pour un idylle de la réconciliation franco-algérienne, concrétisée dans le « traité d'amitié » malheureusement sacrifié sur l'autel de la vision discriminatoire, vantant les « bienfaits de la colonisation », et la lepénisation des dérives de la xénophobie, de l'islamophobie et de la stigmatisation communautaire. Plus : le révisionnisme fait désormais école dans la France du cinquantenaire qui cultive, dans des colloques et des documents à profusion, le négationnisme et la dénaturation historique aux fins d'un blanchiment des crimes coloniaux et de la disqualification de la révolution algérienne. Faut-il pour autant désespérer du « partenariat d'exception » malade du passé colonial encore vivace dans les milieux nostalgiques. Dans ce « partenariat » qui « se porte bien », selon le président de la chambre de commerce et d'industrie algéro-française, Jean-Marie Pinel, les atouts de l'Algérie de la relance économique sont considérables : le fameux risque en baisse, comparé à ses voisins et certains concurrents comme l'Egypte, une stabilité économique et politique que l'on ne retrouve plus dans la région, des indicateurs macro-économiques au vert, souligne le directeur général de l'Andi (Agence nationale de développement et d'investissement), Abdelkrim Mansouri. On peut même ajouter la « bourse de partenariat » diversifiée et des offres de projets recensés dans les secteurs des matériaux de construction (10 projets), des industries (18), de l'industrie chimique (8), de l'agroalimentaire (22), de la santé (6) et du tourisme (6). Lors des 6es « Rencontres Algérie », la certitude est établie. « Nous croyons fondamentalement non seulement au présent mais aussi à l'avenir de la relation économique franco-algérienne », a lancé le directeur général d'UbiFrance, Christophe Lecourtier, séduit par les performances algériennes en matière de commerce extérieur : 30% de plus en termes d'exportations, pour 2011, et 15% pour ses importations. Pour lui, l'Algérie est un pays « qui a des moyens de développement considérables et nous incite à être humbles lorsqu'il s'agit de donner des leçons de politique économique aux autres ». Des retrouvailles ? « Aller plus loin », plaide le directeur UbiFrance Algérie, Alain Boubtel, convaincu de la solidité des « fondamentaux et des investissements publics importants » et de la nécessité de travailler au rapprochement et à l'amélioration du climat politique. Aux gestes d'ouverture du nouveau président français, François Hollande, procédant à l'abrogation de la circulaire Guéant du 31 mai 2011 relative à l'accès au marché du travail des étudiants étrangers et dispensant une « égalité de traitement » du statut de l'étudiant-salarié, la décrispation est tout aussi bien l'expression d'une volonté de favoriser une « lecture objective de l'histoire », revendiquée par Bouteflika dans son discours de Sétif, que l'exigence d'un regard lucide véhiculé par Hollande tenaillé par la « repentance jamais formulée » et « un oubli forcément coupable ». La barrière mémorielle sautera-t-elle ? La quête d'un « avenir où règnent confiance, compréhension respect mutuel et partenariat bénéfique », relevé par le président Bouteflika deux jours après l'élection du candidat socialiste à la présidence, en est toutefois tributaire. « Nous le devons à nos aînés pour que leurs mémoires soient enfin apaisées. Nous le devons à notre jeunesse, car le travail de mémoire ne vaut que s'il est aussi une promesse d'avenir », avait écrit Hollande dans une tribune publiée, le 19 mars, par le quotidien El Watan. Le changement maintenant pour des partenaires libres et égaux ?