La dépossession des fellahs en Algérie par la colonisation a été un des motifs de la résistance des populations algériennes. Et si cette résistance a été forte, l'une prenant le relais sur l'autre, de l'est à l'ouest du pays, du nord au sud, c'est parce que la colonisation foncière a été, selon les historiens, beaucoup plus poussée comparée aux autres territoires de l'empire, au Maroc, en Tunisie. L'accaparement des terres par les colons européens a été réalisé par « toutes sortes de procédés, tant légaux qu'illégaux, violents ou pacifiques », disent les observateurs. Plusieurs ouvrages ont été consacrés à ce sujet, aussi bien par les chercheurs algériens (le sociologue Djilali Sari, la dépossession des Fellahs, 1978) ou français, Guy Pervillé, et L. Rinn (histoire de l'Insurrection de 1871). Ils expliquent que ces accaparements des terres (les meilleures) ont « déstructuré les campagnes et la population qui y vivaient ». Ce phénomène de vaste ampleur, avec ses lourdes conséquences sociales, économiques et culturelles, a entrainé l'extension et la généralisation de la résistance populaire. Les premières confiscations de terres, dès 1830 (début de la colonisation française), se sont faites essentiellement autour des grandes villes (Constantine, Alger et Oran). Le « séquestre » de 1845 est le moyen « légal » par lequel les colons ont confisqué le plus de terres aux « indigènes ». Il visait à confisquer les terres des personnes ou tribus berbères qui ont « prêté assistance, soit directement, soit indirectement à l'ennemi » (qui n'étaient que les résistants à la colonisation), ou « entretenu des intelligences avec lui » ; ainsi que toutes terres abandonnées. Cependant, le séquestre considérait comme terres abandonnées ou passées à l'ennemi toute terre où il y avait « absence de douars (village) après plus de 3 mois, sans permission de l'autorité française ». Cela a alors laissé place à tous les abus possibles. Le séquestre est une mesure administrative qui donne les terres aux colons mais qui atteint aussi les innocents, ce qui « creuse une abîme de haine entre la colonisation et les indigènes, pousse au banditisme des groupes de parias qui n'ont rien à perdre », raconte L. Rinn dans « Histoire de l'insurrection de 1871 » édité en 1891 à Alger. Ainsi « l'Etat français a mené pendant toutes les années d'occupation une politique de fixation des populations européennes et d'expansion des centres de colonisation ». Par manque de ressources et de terres, les fellahs dépossédés sont contraints de vendre leur force de travail. « En beaucoup d'endroits, la terre est cultivée aujourd'hui par les mêmes mains qu'autrefois, celles des indigènes, avec cette différence qu'au lieu d'être les propriétaires ils ne sont plus que les usufruitiers, moyennant des rentes payées aux colons européens. Ce sont ainsi 8 millions d'hectares de terres qui passent des mains des paysans indigènes à celles des colons européens », précise-t-on (*). Après avoir perdu les terres les plus riches, les fellahs se voient également dépossédés de leur droit de jouissance traditionnelle sur les terrains de parcours (pour le pâturage des bêtes) et les forêts (pour le bois d'énergie), par un arsenal juridique mis en place depuis la métropole. L'envergure de la dépossession a créé une importante désorganisation de l'agriculture traditionnelle, ce qui a entraîné la déstructuration des villages algériens. (*) « Algérie Témoignage », publié in World Press.Com