L'armée, qui a déployé 150.000 soldats pour assurer la sécurité dans les 13.000 bureaux, annonce qu'elle ferait « fermement face à quiconque empêcherait les citoyens de choisir le futur président de l'Egypte ». Ce scrutin se déroulera dans un climat politique tendu : la Cour constitutionnelle a dissous, jeudi, l'Assemblée du peuple, car « un tiers des députés n'auraient pas été élus dans des conditions légales, du 28 novembre 2011 au 11 janvier 2012 » et, par ricochet, l'Assemblée constituante élue chargée de rédiger la Constitution, et, décidé de valider la candidature du général, après avoir déclaré anticonstitutionnelle la loi dite d'« isolement politique », sur les piliers du régime adoptée en avril par le Parlement. Les Frères musulmans et les salafistes, qui dominent le Parlement, accusent l'armée de mener une « contre-révolution ». Convaincus que le Conseil suprême des forces armées (CSFA) veut faire élire l'ex-premier ministre de Moubarak, ils annoncent qu'ils sont prêts à redescendre dans la rue et occuper la place Tahrir. Les analystes évoquent la possibilité d'un chaos politique si l'armée, qui a forcé la main au gouvernement mercredi pour accorder à la police militaire et aux services de renseignement le pouvoir d'arrêter des civils et de les déférer devant la justice militaire, maintient sa décision de reprendre le pouvoir législatif jusqu'à l'élection d'une nouvelle Assemblée et d'élaborer une Constitution. « Elire un président sans parlement et sans Constitution, c'est élire un président qui a des pouvoirs que même la pire des dictatures ne connaît pas », commente Mohammed ElBaradei, l'ancien président de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Propos à mille lieues de ceux de Morsi. Au moment où la plupart des observateurs attendaient son retrait du second tour, il annonce qu'il accepte toutes les décisions des juges. « Le scénario de la contre-révolution est bien clair à travers une série d'épisodes » qui ont commencé dans le procès de Moubarak, le 2 juin. Toutes ces mesures démontrent que le CSFA est déterminé à reproduire l'ancien régime et que la présidentielle n'est qu'une mauvaise comédie visant à permettre au CSFA de renforcer son emprise sur les rouages de l'Etat et de les mettre au service du candidat de l'ancien régime qui « promet de reconstruire un Etat et une économie modernes », « lancer de grands projets pour résorber le chômage » et « garantir les libertés individuelles et de la presse », déclare un collectif de partis de gauche, laïques et libéraux. Le câble de Wikileaks qui a qualifié, citant un document de l'entreprise privée américaine de renseignements, Stratfor, le nouveau régime égyptien de « révolution de palais » organisée par les militaires pour empêcher Moubarak de léguer le pouvoir à son fils Gamal, avait-il vu juste ? Les Etats-Unis demandent à l'Egypte de « ne pas revenir sur la démocratie ». « Il ne peut y avoir de retour en arrière en ce qui concerne la transition démocratique réclamée par le peuple égyptien », déclare Hillary Clinton dans une conférence de presse conjointe avec le ministre de la Défense, Leon Panetta, espérant pour le peuple égyptien qu'il « obtienne ce pour quoi il a combattu » l'année dernière. Dans la rue, la colère monte.