Les Egyptiens n'ont pas eu, comme prévu ce jeudi, le nom du successeur à Hosni moubarak. Après avoir évoqué le nombre important de recours qu'elle a reçus des deux candidats (440) pour justifier ce retard - « nous prenons notre temps pour examiner les recours de manière adéquate, mais si Dieu le veut, les résultats seront annoncés d'ici dimanche, voire avant », dixit le juge Maher el Beheiry, un des membres de la commission électorale -, on laisse croire depuis hier matin qu'elle pourrait rappeler aux urnes les électeurs de 187 bureaux de vote dans 14 régions du pays. Selon Al Ahram qui cite des sources informées, une nouvelle présidentielle n'est pas exclue. Ahmed Chafiq se proclame lui aussi vainqueur de ce scrutin. « Je suis totalement convaincu que je serai le vainqueur légitime, mais je vais respecter la décision de la Haute commission électorale et attendre son verdict », dit-il dans sa première conférence de presse après le scrutin, accusant les Frères de « faire pression sur la commission électorale » avec leurs manifestations sur les places publiques et leurs campagnes d'intimidation médiatique. Le Conseil suprême des forces armées qui s'est arrogé quasiment tous les pouvoirs la semaine passée, sort de sa réserve. Et pour critiquer ces résultats non officiels de la présidentielle qui ont causé des tensions dans la rue et pour annoncer qu'il agira avec fermeté contre toute atteinte aux intérêts publics et privés de nature à mettre en danger la sécurité du pays. « Les décisions prises par le pouvoir judiciaire doivent être exécutées et toute entrave sera punie par la loi », prévient le CSFA. LES FRÈRES MENACENT Comme prévu, la place Tahrir a renoué, hier, avec les manifestations « A bas l'armée ». Des dizaines de milliers de personnes ont répondu à l'appel des Frères musulmans, des salafistes et du mouvement du 6 Avril. Toutes ou presque ont promis de ne pas quitter la place tant que Morsi ne sera pas reconnu vainqueur. « Toute tentative visant à nous imposer Chafik, toute tentative de manipulation de la part du conseil militaire, afin de nous l'imposer plongera l'Egypte dans une période d'instabilité et de tensions », déclarent les responsables du 6-Avril. Le Parti de la liberté et de la justice, le bras politique de la confrérie, multiplie les contacts avec l'opposition et les personnalités nationales. Selon ses responsables, un « projet politique national » pointant du doigt le CSFA, sera bientôt dévoilé. Dix-huit organisations des droits de l'Homme demandent aux militaires d'organiser un référendum populaire autour de la controversée déclaration constitutionnelle complémentaire. Promulguée dimanche dernier, celle-ci limite au strict minimum les prérogatives du Président et l'oblige à obtenir l'aval du CSFA pour faire passer toute loi. Ce tour de vis n'est pas le premier. Mercredi 13 juin, le CSFA a décidé d'autoriser la police militaire à arrêter et détenir des civils, rétablissant de fait la loi martiale. Le lendemain, la Haute Cour constitutionnelle a permis à Chafiq de rester dans la course malgré la loi dite « d'isolation politique », adoptée fin avril par le Parlement. Elle a invalidé aussi loi électorale. De fait, elle a dissous le Parlement et la commission à peine élue pour rédiger la Constitution. Hamdeen Sabbahi, l'ex-candidat nassérien, appelle à la constitution d'un bloc révolutionnaire pour les prochaines élections. Mohamed El Baradei, le prix Nobel de la paix 2005, appelle les deux candidats qui pourraient être élus au mieux par 12 sur 52 millions d'électeurs inscrits à placer l'intérêt de la nation avant leurs intérêts personnels. « Ce qu'il nous faut de toute urgence, c'est une commission de médiation pour trouver une sortie politique et légale à la crise », dit-il convaincu que « l'Egypte est sur le point d'imploser ».