Du théâtre, du vrai, du bon, du Bouguermouh, du Fetmouche…Bref, tout pour donner davantage de crédit à ce Festival national du Théâtre professionnel, qui gagne aussi bien en maturité qu'en notoriété. Mercredi dernier, les amoureux du quatrième art avaient rendez-vous, avec «R'jal Ya Hlalef», une grosse pièce, dont l'adaptation de Eugène Ionesco (Rhinocéros), fut entamée dans le passé par le défunt dramaturge Malek Bouguermouh. La disparition tragique de ce monument du théâtre fut tout aussi tragique pour cet ambitieux projet. Enfin jusqu'au jour où l'inénarrable Omar Fetmouche, dramaturge et actuel directeur du Théâtre régional de Bejaia, reprend en main l'affaire et réussit, avec sa brillante touche, à redonner corps et âme à cette pièce, pour la présenter en guise d'hommage au défunt Bouguermouh. Exécutée par une pléiade de comédiens de talents (Mounia Ait Meddour, Ahcen Azezni, Kamel Chamek, Farid Cherchar…) «R'jal ya hlalef» se joue sur plusieurs registres esthétiques : fantastique, absurde…sur le fond, la pièce évoque le problème de la corruption qui fait le lit des systèmes totalitaires, à l'image du «haloufisme» ou de la «rhinocerocité» tel que décrit par Ionesco. «R'jal ya hlalef» est une véritable épidémie qui touche de plein fouet un directeur d'assurance puis tous ses cadres, pour devenir, enfin, un empire de corruption. Boujadi, l'honnête, le résistant, veut faire de la résistance, mais en vain. Le système est trop puissant pour qu'une poignée de «Rjal» vienne à son déclin. C'est comme se battre contre des éoliennes. Ou prêcher dans le désert. Même si le sujet ne constitue pas, dans le contexte actuel, un précédent, la touche artistique de Fetmouche par contre, et la manière dont il porte le drame sur cette histoire, font de la pièce une œuvre théâtrale de premier ordre, que le public a salué avec une salve d'applaudissements. C'est la touche Fetmouche. Sans commentaire !