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« Les crimes économiques et financiers restent la menace la plus redoutable en Algérie »
Mustapha Bouchnafa, chef du bureau national d'Interpol en Algérie
Publié dans Horizons le 09 - 07 - 2012

Quel est le rôle du bureau central national d'Interpol en Algérie ?
D'abord il faut préciser que l'Algérie a adhéré à Interpol en 1963. Cette organisation œuvre sur les volets policier et judiciaire. Le premier concerne l'échange et le partage d'informations, le second se traduit par l'exécution des mandats de justice, la mise en place de commissions rogatoires et l'interception et l'extradition des criminels. Le BCN touche à toute forme de criminalité. Il s'agit d'un point de liaison entre les polices du monde et les services nationaux chargés de l'application de la loi.
Du point de vue du BCN, quelle est actuellement la menace la plus redoutable pour l'Algérie ?
L'Algérie est aujourd'hui en mesure d'identifier, de localiser et d'arrêter les criminels internationaux dont des terroristes et narcotrafiquants, non seulement à leur entrée mais aussi à leur sortie du territoire national avec de faux documents. Toutefois, les crimes économiques et financiers restent la menace la plus redoutable en Algérie. En effet, la plupart des Algériens recherchés par Interpol sont impliqués dans des affaires liées notamment au trafic de drogue et aux crimes économiques.
Des mesures ont-elles été prises pour contrer ces deux phénomènes ?
Le bureau central national d'Interpol en Algérie relevant de la direction de la police judiciaire de la sûreté nationale s'est doté d'un système de communication électronique. Il s'agit du système 124/7, un réseau internet constitué de bases de données. Il permet de faire des requêtes directes sur les bases de données internationales et d'échanger des fichiers, photos d'identité, empreintes digitales, immatriculations de voiture, numéros de passeport. Les mandats d'arrêt peuvent être diffusés à tous les pays membres d'Interpol en un temps record. Ce système assure la transmission d'informations confidentielles, fiables en quelques minutes seulement. Une autre base, ayant trait aux armes, est en voie de développement. L'Algérie est parmi les premiers pays à avoir acquis ce système. Ces bases de données sont mises à la disposition des services nationaux chargés de l'application de la loi comme les douanes et la gendarmerie nationale.
Outre le 124/7, la direction générale de la sûreté nationale a mis en place un système de connexion des services de police des frontières (PAF) et ce, à la banque de données d'Interpol. Cette mesure s'inscrit dans le cadre du renforcement de la sécurité des voyageurs. Il s'agit de la base de données mobile du réseau Interpol appelé Mind. Ce réseau est installé dans les ports et aéroports importants et au niveau des postes frontaliers. Les pafistes sont désormais en mesure de détecter, instantanément, les documents de voyage falsifiés et les véhicules volés et empêcher également l'infiltration de criminels et terroristes potentiels. Les policiers peuvent vérifier, systématiquement, les documents de voyage et les comparer avec la base de données d'Interpol.
Mais les menaces que redoute l'Algérie sont multiples : le crime transfrontalier, la cybercriminalité, le cyber terrorisme. Toutefois, la menace la plus redoutable reste les crimes économiques et financiers. Nous avons résolu beaucoup d'affaires dans ce sens. Nous recevons et nous transmettons des informations régulièrement. Ce qui nous permet de suivre les réseaux.
Qu'en est-il de la coopération du BCN avec les autres pays ?
Pour ce qui est des pays avec lesquels la coopération est intense, il y a le Maroc, l'Espagne et l'Italie surtout en matière de lutte contre l'immigration clandestine, le trafic de stupéfiants et de véhicules et la criminalité économique et financière. Concernant l'Europe, la coopération est beaucoup plus basée sur la lutte contre le terrorisme vu la concentration des Algériens dans ce continent.
Peut-on quantifier la coopération entre l'Algérie et Interpol ?
Les échanges d'informations entre les pays membres d'Interpol et l'Algérie ont pris du volume ces dernières années. Pas moins de 4.779 échanges d'informations ont été effectués entre notre pays et les 240 pays membres de cette organisation. Le plus gros traitement est lié aux affaires de blanchiment d'argent, de drogue et de terrorisme. Le BCN enregistre également un nombre considérable d'échanges d'informations avec la Tunisie et la Mauritanie. La majorité des informations échangées sont liées à des activités terroristes, au trafic d'armes et de véhicules.
Le BCN a-t-il des chiffres concernant les Algériens recherchés par leur pays ? Leur nombre change constamment et nous ne voulons donc pas avancer des données erronées. Ceux qui sont recherchés sont impliqués dans des affaires liées au droit commun, comme le trafic de drogue, blanchiment d'argent, trafic de fausses monnaies. L'Algérie n'a introduit aucune recherche liée au terrorisme.
Combien d'Algériens sont recherchés par Interpol ?
Ils sont estimés à 20 individus qui ont été extradés depuis l'année 2005. La plupart sont impliqués dans des crimes économiques parmi eux Achour Abderrahmane poursuivi pour le détournement de 32 milliards DA. L'Algérie a procédé durant la même période à l'arrestation de 17 individus étrangers recherchés par les autorités judiciaires étrangères et qui ont été présentés à la justice algérienne, et ce, conformément aux articles 582 et 583 du code de procédure pénale. Ils sont recherchés également par la France et les Emirats arabes unis. Ils sont originaires de plusieurs pays et impliqués pour la plupart dans des affaires d'émission de chèques sans provisions. En outre, 100 mandats d'arrêt internationaux viennent d'être diffusés par le BCN. Des notices ont été diffusées sur les Algériens recherchés par les autorités judiciaires algériennes, en vertu de mandats d'arrêt internationaux, sur la chaîne d'Interpol.
Il existe plusieurs types de notices en vigueur à Interpol. La notice rouge concerne les mandats d'arrêt internationaux, la notice bleue est utilisée pour recueillir des informations sur des individus concernant leur identité alors que la notice verte est adressée aux pays membres d'Interpol pour les alerter et communiquer des informations sur des individus.
La notice jaune est utilisée pour aider à retrouver des personnes disparues et la notice orange comprend des mises en garde sécuritaires sur d'éventuelles menaces, comme les explosifs.A cela s'ajoutent quarante-trois Algériens et quatre ressortissants français et émiratis recherchés par l'Algérie pour l'année 2011 auprès d'Interpol. Sur le site d'Interpol, 9 ressortissants algériens font l'objet de notices avec photos. On retrouve notamment l'ex-PDG de Khalifa Bank, Abdelmoumène Khalifa (détenu actuellement en Grande-Bretagne), Anouar Haddam, ancien dirigeant du FIS, Belmokhar Mokhtar alias « Laouar », activiste au sein d'al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Où en est-on avec l'extradition d'Abdelmoumène Khalifa ?
Il s'agit-là d'une question qui relève de la justice. Même si l'Angleterre est membre d'Interpol, il n'en demeure pas moins que ce sont les relations et les conventions bilatérales entre les deux pays qui déterminent l'extradition. L'appareil judiciaire britannique est un peu complexe mais la procédure est en cours. L'extradition est un acte judiciaire qui relève de l'autorité judiciaire. Le BCN participe à l'étape pré-extradition, ainsi qu'à la procédure de remise des inculpés.


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