A l'appel de l'Union générale tunisienne du travail, de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, des partis politiques et de nombreuses organisations féministes, deux rassemblements séparés ont eu lieu lundi soir, date du 56e anniversaire du code de statut personnel tunisien, à Tunis, l'un autorisé l'autre non. Le premier a réuni plusieurs milliers de personnes face au Palais des congrès. Principal mot d'ordre : retrait de l'article 28 de la nouvelle Constitution qui affirme que « la femme est complémentaire de l'homme, et non pas son égale ». Le slogan : « Jebali, Ghannouchi dehors ! ». Le deuxième a eu lieu avenue Habib-Bourguiba. Sfax, à 260 km au Sud de la capitale, a vu un millier de personnes marcher sous le mot d'ordre « égalité dans la Constitution ». Face à cette mobilisation, le parti islamiste esquisse un repli tactique et se découvre des élans féministes. La consolidation des acquis de la femme n'est pas « un slogan que certains cherchent à agiter » mais plutôt « un effort quotidien en vue de surmonter les entraves culturelles et sociétales » affirme, dans un communiqué, le mouvement que dirige Rached Ghannouchi. Décodé : l'égalité des sexes n'est pas un acquis mais une revendication qui fait face à des résistances « culturelles et sociétales ». Tout en présentant l'actuelle polémique sur le statut personnel comme « un bon signe de santé d'une société en transition », le parti tire à boulets rouges sur ceux qui font beaucoup « de confusion, voire de provocation et d'exagération ». La Tunisie a besoin d'un « vrai dialogue » pour faire face « aux défis essentiels » loin des « questions provoquées », indique le même communiqué. Mais sur cette affaire de femmes qui est loin d'être « tranchée », Ghannouchi doit gérer aussi ses amis de la « troïka ». Moncef Marzouki, le président de la République provisoire, se dit favorable à l'inscription du principe de l'égalité totale entre les hommes et les femmes dans la Constitution. Mustapha Ben Jaâfar, le président de l'Assemblée constituante qui a menacé de démissionner en avril dernier, revient à la charge. « Si la charia doit être imposée dans la Constitution, ça serait sans lui », prévient-il. La politique économique et sociale des islamistes est aussi contestée par les Tunisiens. Entre Ennhadha et l'UGTT le torchon brûle. Des centaines de personnes ont défilé hier à Sidi Bouzid, berceau de la révolution de 2011, à l'occasion d'une grève générale dans cette ville du centre de la Tunisie, où la contestation contre la pauvreté, des coupures d'eau, le chômage, gagne du terrain. Principal mot d'ordre : « Le peuple veut la chute du régime ». Comme si tous les griefs retenus contre eux ne leur suffisent pas, les partisans d'Ennahda annoncent que la nouvelle Constitution ne sera pas prête avant mars 2013. La date butoir du 23 octobre 2013 pour l'adoption de la Constitution connaîtra donc un retard de 5 mois. La raison de ce report qui pourrait approfondir l'incertitude politique dans le pays et influer lourdement sur les futures élections ? Habib Khedher, le rapporteur général de la commission chargée de la rédaction de la Constitution qui a annonce cette information lundi ne la donne pas. Un nouveau calendrier fera l'objet d'une réunion à l'ANC le 3 septembre, dit-il. Comme pour parer à un danger imminent, l'opposition resserre les rangs. Douze partis de la mouvance nationaliste et des personnalités politiques indépendantes annoncent la formation en septembre d'un « ront populaire » pour « réaliser les objectifs de la révolution ».