Ces artistes sont venus de plusieurs wilayas pour participer à cette manifestation culturelle à la fois pour se faire connaître et, peut-être, remporter un des trois prix qui leur permettra de se lancer dans le domaine artistique. Les organisateurs de ce festival annuel essaient de suivre les traces des anciens artistes et de découvrir de nouveaux talents capables de reprendre le flambeau. Cette quête est visible à travers la diversité et la richesse du programme mis en place. Lundi dernier, outre les ateliers de musique et de chants destinés aux enfants, organisés à la maison de la culture Taos Amrouche et d'une exposition de bijoux berbères, le linguiste Abdenour Abdeslam et l'archéologue Mohamed Benazri ont animé deux conférences traitant de la chanson kabyle et de la symbolique du bijou. M. Benazri a, d'emblée, souligné que la femme kabyle ne se tatouait pas le visage pour se faire belle mais pour faire passer des messages. D'autant que chaque lettre, chaque signe symbolise quelque chose. « Nos mères et nos grands-mères ne se tatouaient pas seulement par souci d'esthétisme. Elles le faisaient aussi parce que l'alphabet tifinagh véhicule des messages de paix, de liberté, d'espoir, de chance et, surtout, d'amour », a-t-il expliqué. M. Benazri, qui a consacré plus de quinze ans de recherche à l'origine de l'écriture berbère, a précisé qu'il vise par son travail méritoire, faut-il le souligner, « à réveiller notre mémoire méditerranéenne », parce que, a-t-il estimé, « la femme kabyle aujourd'hui se tatoue beaucoup plus pour se faire belle ». Abdenour Abdeslam a présenté, de son côté, une communication portant sur « les quatre étapes de la chanson kabyle ». Devant une faible assistance, il a retracé avec force détails l'histoire de la chanson kabyle engagée. M. Abdeslam a, de prime abord, fait savoir que la poésie a été depuis la nuit des temps l'arme du paysan kabyle. En Kabylie, a-t-il affirmé, les poètes ont depuis toujours écrit de très beaux poèmes sur les maux qui ont marqué leur époque. Dans ce cadre, il a rappelé qu'en 1885, Smaïl Azikiw, aède originaire de Bouzeguène, a dénoncé avec une rare virulence l'armée française qui utilisait à cette époque déjà comme chair à canon, d'humbles paysans pour conquérir et coloniser Madagascar. Quelques années après la Seconde Guerre mondiale, a-t-il enchaîné, des poètes ont appelé le peuple algérien à résister contre l'oppresseur. M. Abdeslam a noté qu'après le déclenchement de la guerre de Libération nationale, certaines chansons révolutionnaires ont pu passer entre les mailles de la censure. Il a cité, dans ce contexte, « Afagh a yajradh thamourth-iw » de Slimane Azem et « A yemma svar ur ttru » de Farid Ali. La soirée a été agrémentée par le gala que Kheloui Lounès, Haddad Fatah et Abbas Ath Rzine ont animé à la grande salle de la maison de la culture. Artistes connus et reconnus sur la scène artistique nationale, les trois vedettes de la soirée ont littéralement enflammé leurs admirateurs. Leurs fans sont venus nombreux assister à cette soirée artistique haute en couleur et riche en sonorités. L'assistance reprenait en chœur les chansons qui ont fait connaître Lounès Kheloui, qui n'a pas chanté à Béjaia depuis quelques années. Hamid B., musicien, se dit heureux d'avoir assisté à ce gala pour la simple raison que Lounès Kheloui est l'un des interprètes incontournables de la chanson chaâbi kabyle, qu'il n'a pas revu sur scène à Bejaia depuis longtemps. « C'est un plaisir de voir les jeunes chanter avec leur idole. C'est la preuve que la jeunesse s'intéresse non seulement à la chanson rythmée mais aussi à la chanson à thème », a-t-il affirmé. Par ailleurs, et pour ne pas priver les nombreux amoureux de la musique et de la chanson kabyles d'un tel évènement, les organisateurs de cette manifestation culturelle ont décidé d'organiser des soirées artistiques dans les wilayas de Tizi-Ouzou et Bouira.