Souvent méconnu, le rôle des praticiens et des infirmiers durant la guerre de Libération nationale a été revisité, hier, par le professeur Mostefa Khiati lors du forum du quotidien DK News. Auteur du livre « Les blouses blanches de la révolution », M. Khiati, pédiatre, a apporté un éclairage fort documenté sur le rôle et le sacrifice de ces jeunes femmes et jeunes hommes que l'on appelait « Les blouses blanches » dans le contexte particulier des maquis et leur contribution déterminante pendant la Révolution de Novembre 1954. « L'histoire de l'Algérie n'a pas été encore écrite dans son intégralité et nous ne connaissons qu'une infime partie. Il y a des pages d'histoire méconnues, dont l'aspect médical. Il était impossible que l'action militaire puisse s'effectuer sans un apport médical. Les accrochages faisaient des blessés, des djounoud fatigués, que les blouses blanches prenaient en charge », dira le conférencier. Mostefa Khiati, en revisitant l'action salutaire du corps de la santé, qui jouissait d'une profonde estime et considération auprès des djounoud et de la population, a mis en exergue les moyens dérisoires et les conditions pénibles dans lesquelles travaillaient les blouses blanches. Une simple lame Gillette remplaçait le scalpel pour les interventions chirurgicales et la scie pour les amputations opérées sur les militants et combattants de l'ALN. L'ouvrage, ruit de plusieurs années de travail, met la lumière sur des noms méconnus comme le colonel Hassan, Cherif Cherif, tombé au champ d'honneur à Mascara, ou encore Nani Bouderba, qui, à partir de 1956, organisait le secteur médical sur ordre du colonel Amirouche. Mais il y a aussi ceux qui sont connus, comme le Dr Toumi, Si Nekkache ou le Dr Lamine Khène, ancien responsable du service de la santé de la wilaya II entre 1956 et 1959, qui a écrit dans la préface de l'ouvrage « Des parcours impressionnants qui prouvent des richesses insoupçonnées de notre peuple qui a relevé le défi de libérer la patrie en consentant d'énormes sacrifices. ». Dans ce livre, l'auteur a également établi une longue liste de noms de praticiens et d'étudiants des filières médicales ayant consenti de lourds sacrifices en venant en aide aux blessés de guerre suivant un programme bien hiérarchisé que leur demandaient de suivre à la lettre les responsables. « Ils ont abandonné des carrières exceptionnellement lucratives pour ceux qui s'étaient déjà installés ou un avenir particulièrement prometteur pour ceux qui faisaient partie de l'élite dans les universités », dira-t-il. « C'est notre façon de contribuer au devoir de mémoire », conclut-il. Car, ces médecins, d'après Mostefa Khiati, ont permis d'encadrer les 700 étudiants inscrits à la faculté de médecine en 1962 et faire fonctionner les hôpitaux ayant été désertés par les 1 500 médecins et 2 000 infirmiers français au lendemain de la signature des accords d'Evian, le 19 mars 1962. Lors de cette conférence, une infirmière, Yamina Cherrad, a apporté son témoignage. Diplômée d'Etat en 1953, elle a rejoint la wilaya II en 1956. Elle y restera jusqu'en 1962 date de la proclamation de l'indépendance. Durant son séjour dans le maquis, elle se maria avec un officier de l'ALN, tombé au champ d'honneur à Constantine, 11 jours avant la naissance de son fils. L'auteur dénombre, au total, plus de 400 blouses blanches. On apprend dans cet ouvrage, paru aux Editions Anep, que la phase de mise en place de ces structures, qui obéissaient à des règlements codifiés, se situait entre 1954 et 1956 lors du Congrès de la Soummam, qui stipulait que l'ALN se chargeait de protéger et soigner tout moudjahid malade ou blessé. Par ailleurs, l'organisation sanitaire à l'échelle du maquis avait une politique de santé basée sur la promotion de l'hygiène et de la prévention ainsi qu'un organigramme identique dans toutes les wilayas. Quant aux infrastructures, elles étaient composées d'un hôpital, rattaché directement à l'ALN, avec une structure aux dimensions variables en fonction de l'importance du secteur et du nombre de combattants.