Ces moudjahidine européens anonymes engloutis par l'oubli reviennent peu à peu à travers les écrits et autres livres qui leur sont consacrés. Frère de lutte, libertaire anti colonialiste, il aura porté son amour à l'Algérie jusqu'à sa mort. Puisque selon son vœu, il repose depuis 1997 à El Alia sur cette terre devenue sienne. Né en Belgique dans une famille prolétarienne dont les attaches sont indélébiles avec la classe ouvrière, Serge Michel, dont le nom réel est Lucien Douchet, est un enfant d'immigrés venus de Russie. Plongé dans un idéal des causes justes, il a à peine douze ans quand il décide de jeter aux orties ses racines bourgeoises pour épouser la thèse « du tout liberté, sans aucune entrave et de l'égalité de toutes les classes de la société et de tous les peuples ». Cette prise de conscience juvénile l'orientera à devenir, plus tard, le libertaire des causes justes et un internationaliste sans faille. C'est au cours des années 50 que Serge Michel fera sa première escale en Algérie. Il fera plusieurs voyages par la suite, ce qui fera dire à l'auteur : « Y aurait-il pris des contacts posant ainsi les bases de son engagement futur ? » Serge Michel, un des nombreux pseudonymes adoptés par Lucien Douchet est arrivé à Alger « par le grand escalier de la rue Porte Neuve... », choisissant son camp, celui du colonisé... ». A la Casbah d'Alger, fief du mouvement nationaliste, il se fonde dans le cercle des artistes dont font partie entre autres Kateb Yacine, Hadj Omar, Issiakhem, Jean Sénac et Sauveur Galliéro. A la faveur de la vie nocturne algéroise, dans la vieille ville Serge Michel se jettera « dans la lutte anticolonialiste. » La rencontre avec Ferhat Abbas « Pépé » sera déterminante pour le libertaire : « Se crée alors une sorte de relation tendrement filiale » entre Ferhat Abbas et Serge. Cette amitié durable entre les deux hommes s'est réalisée grâce à Ali Boumendjel. A cet effet, rappelons que Serge Michel assistera Ferhat Abbas à l'écriture de ses discours. Dès novembre 54, Serge Michel entrera dans l'action clandestine sans pour autant faire partie du Front. Néanmoins, il continue de travailler toujours comme caricaturiste au journal La République Algérienne « Organe de l'UDMA tout en cumulant, infatigable, les emplois de reporter et de secrétaire de rédaction. » Trois ans après le 1er Novembre, il rejoint l'équipe d'El Moudjahid en Tunisie, alors administré par Abane Ramdane. Il animera en langue française les émissions radiophoniques de « La Voix de l'Algérie », et sera scénariste en réalisant des documentaires en faveur de la cause algérienne. En 1960, il devient attaché de presse auprès du jeune Patrice Lumumba au Congo avec lequel il se liera d'amitié. On lui doit la création de l'APS, ce que nombre d'Algériens ignorent. Responsable au journal El Chaâb, collaborateur au Soir d'Algérie aux côtés de Mohamed Boudia, à Casbah Films avec Yacef Saâdi, Serge Michel se donnera corps et âme dans tout ce qu'il entreprend. Les révolutions africaines, c'est également un engagement pour libérer l'Afrique. Il sera l'ami des dirigeants du Frelimo, Neto, Cabral, Le Che des leaders qui ont marqué la grande histoire. Il reviendra au bercail, dans cette Algérie qu'il a aimée jusqu'au dernier souffle après avoir été en Guinée Bissau et au Cap Vert. Serge Michel se retire dans une des plus belles régions du sud algérien, la vallée du M'Zab, jusqu'aux années 90. La situation malheureuse de cette période le contraint à partir... Serge Michel repose à jamais sur cette terre d'Algérie où il posa son sac de routard une certaine année 1950. Année où fut scellé le destin de cet homme étrange dans ses amours, secret et généreux dans ses amitiés. El Alia sera la dernière étape et sa dernière demeure. Mahiedine Moussaoui dira de lui : « Pour ceux qui l'aimaient, c'était un homme de conviction, un révolutionnaire qui avait apporté spontanément son aide au nationalisme algérien mais en choisissant la voix la plus modérée... à même de faire évoluer la situation ».