Il fallait une étincelle pour raviver les vieux démons de la guerre civile avec en toile de fond, cette fois-ci, le conflit syrien : la mort tragique du chef des services de renseignements de la police, le général Wissam Al Hassan, vendredi, dans une attaque à la voiture piégée, en est une. Au lendemain de la violente manifestation déclenchée par des milliers de personnes à l'issue des obsèques, suite à l'appel de l'opposition qui accuse le Premier ministre, Nadjib Mikati, de « couvrir » le crime, des échanges de tirs ont opposé des militaires et des hommes armés se réclamant de l'ancien Premier ministre, Saâd Hariri, dans un quartier sunnite de Beyrouth. Les soldats s'apprêtaient à ouvrir la route menant à Tariq al-Jdidé, dans l'ouest de Beyrouth, un bastion des partisans de Hariri, bloquée par ces derniers. Bilan : trois morts. Bien que l'ancien Premier ministre, farouche opposant au gouvernement et ennemi de la Syrie, ait appelé ses partisans au calme, faire tomber « pacifiquement » le gouvernement où le Hezbollah tient une place influente, son allié, Fouad Siniora, chef du bloc parlementaire d'opposition, a chauffé à blanc les protestataires rassemblés sur la place des Martyrs. « Le gouvernement est responsable de l'assassinat de Wissam et son compagnon. C'est pourquoi il faut qu'il parte », a-t-il lancé à la foule, excluant le dialogue « avant la chute du gouvernement ». Dans la nuit de dimanche à lundi, l'armée a mené une opération à Tariq Al Jdidé, à la poursuite d'hommes armés, où des rafales d'armes automatiques et le bruit sourd des roquettes anti-char ont été entendus. A Tripoli, dans le nord du pays, une femme alaouite et trois jeunes sunnites ont été tués et huit autres personnes blessées, dont une fillette de 4 ans, dans de nouveaux affrontements entre le quartier pauvre de Djabal Mohsen, majoritairement alaouite, et celui, sunnite, de Bab Al Tabbaneh. L'armée libanaise, qui craint l'embrasement général, se dit « déterminée à rétablir l'ordre et la paix civile dans le pays ». « Les développements des dernières heures ont montré sans l'ombre d'un doute que la nation traverse des moments très critiques et que la tension a atteint des degrés sans précédent dans certaines régions », a déclaré le commandement de l'armée dans un communiqué, appelant « tous les citoyens, quelle que soit leur appartenance politique, à agir avec responsabilité dans cette période difficile ». Pour apaiser la tension, le président Michel Sleïmane s'est posé en conciliateur, mais néanmoins ferme sur la stabilité du pays. « Je suis avec la souveraineté, avec la dignité, avec la sécurité des citoyens (...). Le martyre doit nous pousser à nous solidariser et à coopérer », a-t-il lancé lors de la cérémonie funèbre, souhaitant qu'aucun responsable ne « couvre les criminels ». M. Sleïmane a appelé la justice à publier rapidement l'acte d'accusation. Tout en condamnant le crime, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a déclaré avoir trouvé un accord avec M. Mikati pour que les Etats-Unis apportent leur assistance dans « l'enquête ».