C'est finalement Najib Mikati qui est chargé de former le futur gouvernement au Liban dans un contexte d'effervescence extrême. Cette nomination attendue est promptement dénoncée par Saad Hariri dont des milliers de partisans sont sortis manifester parfois violemment dans plusieurs villes du pays. Après la chute du gouvernement Hariri provoquée par la démission, le 12 janvier, des ministres de l'opposition, la formation d'un nouveau cabinet est devenue impérative. Le bloc de l'opposition reproche, entre autres, au gouvernement déchu une gestion anti-nationale, notamment dans le dossier du Tribunal spécial pour le Liban (TSL). La coalition de Hariri contrôlait le Parlement après les législatives de 2009. Avec le changement de camp de certaines personnalités sunnites et du leader druze Walid Joumblatt, c'est l'opposition qui récupère de facto la majorité parlementaire. Le jeu politique au Liban s'en trouve changé. Agé de 55 ans, Najib Mikati, magnat des télécoms, devra s'attaquer au périlleux dossier du TSL, objet d'un bras de fer entre les deux camps. Le Hezbollah veut que le gouvernement cesse toute coopération avec le très politisé TSL. L'opposition préconise la suspension du financement et le retrait des juges libanais. Après sa nomination, Mikati s'est voulu rassembleur en affirmant que sa désignation «n'est pas une victoire d'un camp contre l'autre. C'est la victoire de la réconciliation». Réfractaire, le camp Hariri a affirmé qu'il boycotterait tout cabinet dirigé par «un candidat du Hezbollah». L'annonce de cette nomination a été précédée de manifestations à l'appel des partisans de Saad Hariri, accusant carrément le Hezbollah de «coup d'Etat». A Tripoli, dans le nord du pays, où la majorité des écoles et des commerces ont fermé, des milliers de personnes ont manifesté, portant des drapeaux libanais et des photos de Saad Hariri. Certains ont brûlé une photo de Mikati, originaire de Tripoli. Une foule en colère a aussi attaqué et incendié un véhicule de transmission satellite d'Al Jazeera. La chaîne qatarie est considérée comme sympathisante du Hezbollah. D'autres incidents ont été signalés à Saïda et à Beyrouth. L'armée était déployée en force dans plusieurs régions. Najib Mikati, entretenant de bonnes relations avec la Syrie, a obtenu le soutien de 68 députés sur 128. Au Liban, le poste de Premier ministre est réservé traditionnellement à la communauté sunnite. La nomination de Mitaki n'a pas manqué de faire réagir les puissances parties prenantes de l'imbroglio libanais. Les Etats-Unis ont d'emblée émis une menace à peine voilée contre l'impact qu'un «pouvoir accru du Hezbollah» pourrait avoir sur l'aide américaine au Liban. La France a manifesté «sa préoccupation pour la stabilité» du Liban, alors que le Qatar a appelé à la retenue. Le Liban cherche toujours la voie de la stabilité. M. B.