La ville de Kaduna, du même nom que l'Etat du nord du Nigeria, a renoué avec la violence communautaire dans un pays pratiquement coupé en deux : un sud majoritairement chrétien, dominé par les ethnies des Ibos et des Yorubas, et un nord musulman des Haoussas abritant, néanmoins d'importantes enclaves chrétiennes dans les grandes villes. L'attentat suicide commis contre une église (8 morts et 145 blessés) a enclenché le cycle infernal des représailles menées par des chrétiens en colère brûlant vif un homme et, armés de machettes et de bâtons, s'en prenant à des personnes pouvant être des musulmans dans les rues de Kaduna. Dans ce climat de tensions religieuses et de rivalités ethniques, le spectre de Boko Haram, né à la faveur du retour à la démocratie, initiée en 2000, des « taliban nigérians » et du mouvement islamiste apparu deux décennies plus tôt, à Kano, le Maitatsine, plane sur le Nigeria de la violence confessionnelle qui a fait, depuis 2009, 2 800 morts, « la pire effusion de sang jamais connue depuis la guerre civile (1967-1970) ». Le président nigérian, Goodluck Jonathan, a pointé un index accusateur sur le péril confessionnel, en déclarant que le groupe radical tente de déclencher un conflit entre les deux religions. Le sentiment d'inquiétude gagne aussi les chefs de l'église. « Nous avons peur que la situation dégénère en guerre de religion et que le Nigeria ne survive pas en tant qu'entité unie », a lancé le secrétaire pour la partie nord du pays de l'Association des chrétiens du Nigeria (CAN), Saidu Dogo. Le spectre de la « guerre de religion » tant redouté refait surface. « La communauté chrétienne au niveau national n'aura pas d'autre choix que de répondre de façon appropriée s'il y a d'autres attaques contre nos membres, nos églises et nos biens », tonne le président de la CAN, le révérend Ayo Oritsejafor. C'est que le retour en force du groupe islamiste radical, qui a survécu à la répression de 2009 (700 à 800 morts) signant la fin de son leader, Mohamed Yussef, arrêté et exécuté, annonce la reprise des activités criminellesdans les Etats du nord décrétant la chari'a : attaques des banques et des services de sécurité, attentats suicides contre les églises...Organisé autour de plusieurs branches (entre 3 et 5), Boko Haram, dirigé par Abubaker Shekau, l'ex-numéro 2, a tissé des alliances avec les Chebab somaliens et Aqmi sévissant au Sahel où nombre de combattants nigérians s'activent au djihadisme notamment au nord du Mali.