Au centre anti-cancer Pierre et Marie Curie d'Alger (CPMC), malades et médecins traitants confirment cette situation. Des infirmiers et des assistantes sociales du centre soulignent que cette rupture est cyclique, obligeant les thérapeutes à changer constamment de protocole de soins. Le manque est surtout ressenti dans le traitement de la douleur puisque les « calmants » sont, soit inexistants, soit que leur date de péremption s'avère courte, comme c'est le cas pour le Temgesic. Pour Mme Berrichi, présidente de l'Association El Fedjr d'aide aux patients atteints de cancer, rien ne sert d'évoquer, une nouvelle fois, cette pénurie. « On a dénoncé cette situation. Des milliers de patients ne reçoivent pas leurs traitements. Ces ruptures de médicaments durent depuis 20 ans. Depuis 2009, notre combat s'est intensifié avec, notamment, la signature avec 18 autres associations de malades d'une motion remise au ministère de la Santé mais rien n'a été fait. Les malades continuent de souffrir et de mourir en silence. Chaque jour, notre association reçoit une vingtaine de personnes sollicitant une quelconque aide pour obtenir un médicament. C'est peine perdue que d'évoquer ce déficit », regrette-t-elle. La présidente de l'association El Amel d'aide aux cancéreux, Hamida Ketab, se plaint d'une autre difficulté. « Il existe une faille très importante dans la prise en charge des cancéreux en matière de radiothérapie », note-elle. Selon elle, cette faille dans la radiothérapie est le problème le plus important. Considérée comme une phase de traitement complémentaire, elle devient vital dans certaines pathologies cancéreuses concernant l'ORL et le col de l'utérus. Pour elle, rien ne sert de suivre un cancéreux avec des séances de chimiothérapie, souvent précédées d'une ablation, et interrompre ensuite le traitement faute de séance de radiothérapie. « En fait, c'est comme si on n'avait rien fait pour le malade, inexorablement voué à la mort », souffle-t-elle. La situation est préoccupante au risque de devenir alarmante d'autant que le nombre de malades pris en charge au CPMC d'Alger a diminué. De 140 traités par jour, ils ne sont que 100 à suivre une radiothérapie quotidiennement. « Cette situation est due à la réforme du cobalt du CPMC et la réduction du nombre des manipulateurs en radiothérapie faute d'un salaire motivant. Ceux qui y sont restés sont confrontés à un stress et une masse de travail colossale », observe Mme Ketab. La situation n'est guère reluisante dans les autres wilayas. A Oran, un seul accélérateur fonctionne, alors que le CAC de Blida est dépassé, au point de trouver des listes de rendez-vous allongées jusqu'à fin 2013. Idem pour Ouargla où le nombre de malades pris en charge a été limité. Les 15 centres anti-cancer annoncés par la tutelle sont encore en voie d'achèvement. Ceux de Sétif, Annaba et Batna ne sont pas équipés en matériel de radiothérapie. Mme Ketab est formelle : « Même si on dote ces centres du matériel nécessaire, il n'y a pas de physiciens et de manipulateurs pour les faire fonctionner. La formation prévue en 2001, n'a pas été lancée », déplore-t-elle. Le manque de séances de radiothérapie et leur apport dans la guérison a été soulevé par le chef du service d'oncologie médicale au centre Pierre et Marie Curie d'Alger (CPMC) et président de la Société algérienne d'oncologie médicale, le Pr. Kamel Bouzid. Il a dénoncé cette situation en affirmant que « sur 44 000 nouveaux cas de cancer enregistrés chaque année en Algérie, 28 000 nécessitent un traitement par radiothérapie. Sur ces 28 000 malades, seuls 8 000 sont traités ». Pire, 80 % des cancéreux ne se présentent pas le jour du RDV, car, entre-temps, ils ont rendu l'âme.