Pénurie de médicaments vitaux, inégalité des soins, absence de radiothérapie… les malades cancéreux vivent un véritable drame en Algérie. Alors qu'à l'étranger, on parle de taux de guérison élevés atteignant parfois les 100%, dans notre pays, la maladie continue d'emporter des malades. Plus de 80% meurent pour négligence, a déploré Mme Hamida Kettab, secrétaire générale de l'association El Amel d'aide aux personnes atteintes de cancer du Centre national anticancéreux Pierre et Marie Curie (CPMC). Elle intervenait lors d'une conférence de presse tenue récemment au forumd'El Moudjahid. C'est un véritable cri d'alarme qu'elle a lancé, avec d'autres associations comme El Fedjr de Tizi Ouzou, El Fedjr d'El Oued, El Amel de Batna, El Amel fi El Hayet de Sidi Bel Abbès. D'un côté, des témoignages de malades on ne peut plus poignants. Des médecins impuissants devant la souffrance des malades. De l'autre, des responsables de la santé qui font la sourde oreille à des appels incessants. «Depuis plusieurs mois, la prise en charge des malades atteints de cancer est tout simplement chaotique», alertent les conférenciers. «Nous recevons des malades qui ne savent plus à quel saint se vouer», dénonce Mme Kettab. «Voir les malades mourir est devenu notre quotidien», dit-elle. Les malades déplorent une dégradation inacceptable de leur prise en charge, en raison des pannes répétitives dans les soins de radiothérapie et des ruptures perpétuelles des produits anticancéreux vitaux. «Les moyens existent mais la mauvaise gestion fausse tout», estime Mme Kettab : «Plus de 50% du budget des hôpitaux est destiné aux pathologies cancéreuses mais, sur le terrain, la réalité est tout autre.» «Nous assistons depuis 2005 à ce jour à des ruptures répétées de médicaments anticancéreux», dit-elle. «Sans parler des perturbations sans précédent touchant les services de radiothérapie qui sont presque tous en panne et souvent en même temps, pénalisant fortement les malades. Ces derniers se retrouvent avec des rendez-vous trop éloignés, ce qui hypothèque considérablement leurs chances de guérison», ajoute l'oratrice. Ainsi, les malades qui ne sont pas passés par la radiothérapie sont repris en catastrophe pour une autre cure de chimiothérapie et ce, afin de réduire les dégâts causés par la maladie. «Ce sont souvent des malades qui sont repris en état de récidive, métastasés ou, pis, qui ne reviennent plus pour cause de décès», dénonce Mme Kettab. «Il est certain aujourd'hui que la situation est insoutenable. Les pouvoirs publics doivent intervenir et mettre fin au drame que vivent les malades cancéreux», dit-elle, estimant que cinq centres de radiothérapie à travers le pays est un nombre insuffisant. «De plus, la majorité de ces centres ne fonctionnent pas», s'insurge-t- elle. Elle ajoute qu'en désespoir de cause certains médecins conseillent à leurs malades d'aller faire la radiothérapie en Tunisie. Mme Kettab a appelé à la nécessité d'ouvrir d'autres centres pour soulager tous ces malades qui souffrent d'une prise en charge défaillante sur tous les plans. «Les responsables de la santé sont appelés aujourd'hui à se pencher sérieusement sur ce dossier, à trouver des solutions, à réagir rapidement pour sauver ces vies», interpellent les associations d'aide aux personnes atteintes de cancer. Au sempiternel problème de la radiothérapie s'ajoute la rupture de médicaments indispensables qui causent des retards de soins. Depuis 2005 à ce jour, des pénuries de médicaments anticancéreux répétées sont enregistrées, d'après ces associations d'aide aux personnes cancéreuses. «Nous avons reçu des patients avec des ordonnances pour acheter des médicaments strictement hospitaliers et qui ne peuvent être servis en pharmacie.» Elle cite l'exemple du Nexavar, inexistant depuis plus de cinq mois. «Certains médecins ont prescrit sur ordonnance ce médicament hospitalier qui coûte 40 millions de centimes», dit-elle. Même désarroi du côté de Fekira Baroudi, secrétaire génétral de l'association Sidi Bel Abbès El Amel fi El Hayet. Selon lui, il y a un centre de radiothérapie à Oran pour toute la région Ouest mais, dira-t-il, «la plupart du temps, il est en panne». «De même, le mimographe n'est pas fonctionnel depuis deux ans, les pauvres malades se trouvent obligés d'aller vers le privé», regrette-t-il. A. B. Pannes répétitives dans les centres de radiothérapie et ruptures de médicaments : le calvaire au quotidien CPMC : le Centre Pierre et Marie Curie est le centre national de référence anticancéreux. Il est aujourd'hui surchargé et reçoit les malades des quatre coins du pays. Il a augmenté la cadence de travail (24h/24h et 7j/7j) pour rattraper le retard enregistré cet été, à cause de l'arrêt du service de radiothérapie dû à une panne. Les responsables de la radiothérapie ont été obligés depuis quelques semaines de ne plus donner de rendez-vous, car trop éloignés (après mars 2010). Les malades qui affluent au service sont vite plongés dans le désarroi en voyant la note affichée à ce sujet. La radiothérapie est un traitement nécessaire après une chimiothérapie. Le CPMC et l'hôpital de Tizi Ouzou enregistrent une centaine de patients qui souffrent d'une rupture de médicaments vitaux comme le Nexavar, l'Avastin, le Tarceva… avec les conséquences énormes sur leur état de santé. Des décès sont d'ailleurs déjà déplorés. CAC de Blida : seul centre à avoir échappé aux pannes, il se trouve toutefois complètement dépassé et travaille à plein régime car il accueille les patients des autres centres (Alger, Oran principalement). CHU/Centre anticancéreux (CAC) d'Oran : le matériel de radiothérapie est pratiquement tout le temps en panne. Les associations de malades déplorent des pannes qui peuvent aller au-delà d'un mois pour raison de caducité. Résultat : tous les rendez-vous sont reportés jusqu'à 6 à 7 mois. Deux stimulateurs nouveaux ne sont pas encore exploités parce qu'il n'y a pas de personnel qualifié pour manipuler le matériel.Hôpital de Messerghine : bien qu'il ait été inauguré depuis plus d'un an, il n'est toujours pas fonctionnel. CHU de Constantine : cette structure se trouve totalement débordée car elle accueille tous les malades de la région Est du pays. La radiothérapie est à l'arrêt depuis plus de trois mois. Les malades ont été renvoyés chez eux sans date de rendez-vous, sans espoir d'avoir accès au traitement. Même les anciens malades qui ont déjà fait des cures ont vu leur traitement arrêté. Batna : cette région dépend de Constantine, même les produits de chimiothérapie sont en rupture. Les responsables de l'hôpital et les médecins sont ballottés entre les responsables des PCH de Biskra et la PCH d'Alger qui se renvoient la balle sur le manque de médicaments.CAC de Ouargla : le stimulateur y est installé depuis une année et demie mais sans les appareils qui le font fonctionner. Il n'est toujours pas fonctionnel alors que quatre radiothérapeutes ont été affectés sur les lieux.