Dès sa constitution en 1926, cette formation, nourrie d'abord de l'esprit de l'époque, prônait la séparation de l'Algérie et de la France. A rebours des autres courants (oulémas, communistes ou fédération des élus), le parti de Messali, Si Djillani, Yahiaoui, Akli Banoun et Belkacem Radjef militaient au sein de l'émigration algérienne en France pour l'indépendance du pays des aïeux. Cette poignée d'hommes courageux n'est pourtant connue que des historiens. Seul Messali dont l'itinéraire plus long et plus tortueux renaitra sous les lumières, notamment ces dernières années. Certes, les historiens ne manquent jamais de faire une place à Imache quand cette période de gestation du mouvement nationaliste est évoquée. L'homme qui fut un parfait autodidacte demeure pourtant une énigme. Il disparait subrepticement du cadran de l'histoire dès la fin de 1936. Il ne jouera aucun rôle dans le PPA qui viendra remplacer dès l'année suivante l'étoile dissoute par les autorités françaises. Sa carrière sera brillante mais brève et se terminera après son retour définitif de son exil parisien en février 1947, auprès des siens au village Ait Mesbah dans la région de Béni Douala. Il y décédera en 1960 en pleine tourmente de la révolution. Conflit de personnes avec Messali, dont il contestera plus tard dans une lettre d'adieu aux Algériens résidant en France le culte de la personnalité ? Divergence de vues avec la direction ? Sans doute un peu des deux. L'homme qui n'avait jamais cessé de travailler dans les manufactures avait l'étoffe d'un intellectuel qui exprimait des visions, des idées. De retour au pays, il rejoindra d'ailleurs le parti de Ferhat Abbas. Déchirer le voile de l'oubli Hormis un livre paru en 1986 sous la plume d'Omar Carlier, la vie de l'homme est peu connue. C'est sans doute pour réparer cette injustice et déchirer le voile de l'oubli qui entoure un des pionniers du nationalisme, un homme qui s'était très tôt engagé pour la liberté des siens ; qu'à l'initiative de ses enfants, un livre vient d'être édité. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un ouvrage où l'on suit pas à pas, avec un souci du détail propre aux biographes de l'homme. On retrouve certes retracé à grands traits l'itinéraire d'Imache qui fera un passage comme prisonnier en Allemagne. Des pages blanches s'intercalent dans le livre de sa vie. Il s'agit davantage d'une compilation de cinq brochures qu'il avait rédigées et de quelques articles parus sous sa plume dans El Oumma. Pour la première fois, elles sont réunies et disponibles. La lecture permet une replongée dans le contexte de cette époque marquée par la montée du nazisme, les conquêtes coloniales en Ethiopie, la guerre d'Espagne et en Algérie l'aiguisement des luttes entre courants du nationalisme. Imache sera notamment un fervent opposant au projet Blum Violette qui sous le front populaire avait décidé l'octroi de la nationalité française à une frange d'Algériens. Il mettra son style vigoureux qui révèle à la fois un militant imbu de certitudes et un styliste qui s'autorise quelques échappées lyriques. « Il va de soi, note-t-il en août 1936, après la tenue du congrès musulman, que nous nous sommes refusés à croire que tous les musulmans aient demandé ou soient consultés pour que le pays de leurs aïeux soit définitivement et irrémédiablement rattaché à la France ». Dans toutes les brochures, nous découvrons un homme attaché aux siens, au fond berbère qui doit trouver sa place mais aussi à l'islam dont il évoque l'esprit des cavaliers. Il ne cessera de dénoncer les brimades, les injustices dont sont victimes les siens au pays et en exil. Tout l'interpelle, les procès contre les dirigeants de l'ENA (Etoile Nord-Africaine) (lui-même séjournera en prison), la guerre en Espagne, la guerre mondiale dont la fin a révélé le vrai visage du colonialisme qui ne s'est pas amendé. Sur le rôle de l'élite et de ses rapports avec le peuple, l'arrogance des puissants sur la scène internationale, ses idées sont singulièrement très actuelles. nHammoudi R. Amar Imache - L'Algérie au carrefour - 191 pages, Editions Odyssée, prix public : 450 DA.