« La meilleure école c ́est le journal ! », disait Naït Mazi au journaliste qui commençait, au début des années 70, une carrière à El Moudjahid. Noureddine, c ́est par son prénom qu ́on l ́appelait, parlait, inconsciemment – et sans prétention – de sa propre expérience de journaliste talentueux, doué d ́une solide culture générale, formé lui-même sur le terrain. Ce qui l ́a conduit plus tard à assumer pendant très longtemps la délicate responsabilité de patron d ́El Moudjahid, sans jamais cesser d ́écrire ses fameux éditoriaux qui sont souvent repris dans la presse étrangère. Sa mission était des plus délicates lorsqu ́il prit la tête d ́El Moudjahid. Ce n ́était pas déjà évident de pouvoir exercer librement son métier de journaliste dans les conditions qui étaient celles du système politique fermé de l ́époque. Encore moins les responsabilités de patron du quotidien national d ́information. Malgré tout, Naït Mazi a réussi adroitement le délicat exercice de faire d ́El Moudjahid le journal de tous les Algériens. Un journal qui traduisait les aspirations de la société et qu ́il a su, en même temps, soustraire à la fonction d ́organe de propagande. Ce n ́était pas facile de négocier ce compromis à mi-chemin entre l ́élan d ́une rédaction voulant aller parfois trop loin dans la critique et un pouvoir politique tenté d ́abuser de la fonction de propagande. Sous Naït Mazi, jamais un journaliste n ́a été inquiété pour ses écrits. C ́est lui qui en assumait la responsabilité de nos dérives. Voici un témoignage personnel. Sur le chemin de Niamey où Seyni Kountché avait pris le pouvoir en avril 1974 – il fallait se rendre au Niger depuis Tamanrasset, le pays étant isolé par les putschistes –, c ́est un drame que nous allions vivre. Celui de la sécheresse qui avait décimé beaucoup de nomades touareg. Le reportage n ́avait pas plu en haut lieu et un haut fonctionnaire s ́est présenté le lendemain chez Naït Mazi pour, selon son expression menaçante, m ́obliger à lui fournir le « nom » des informateurs sur place à Aïn Guezzam. Naït Mazi lui fera observer qu ́un journaliste ne donne pas sa source d ́information, histoire de lui dire aussi j ́assume la responsabilité de ce qui a été écrit dans le reportage. L ́affaire est classée. Naït Mazi était un grand directeur de journal. Une école de journalisme ! Une référence d ́éthique. Un homme honnête qui a su se retirer quand il le fallait, sans bruit, dans la plus grande discrétion et dans une remarquable dignité. Ses collègues en témoignent. Ses voisins aussi qui apprécient de le voir faire sa courte promenade chaque matin au bas de son immeuble, toujours seul. Hier, il ne l ́était pas. Tous les amis étaient là pour lui. Une cérémonie en son honneur. Un grand geste d ́El Moudjahid.