Dans une interview télévisée, le nouveau raïs se voulait rassurant, en réaffirmant que les pouvoirs élargis qu'il s'est attribués par décret étaient « temporaires » et qu'ils ne seraient plus valides après l'adoption de la Loi fondamentale. Un projet dans lequel l'opposition dénonce une atteinte à la liberté religieuse et d'expression. Le président du Front de sauvegarde nationale (une coalition de partis d'opposition) Mohamed El Baradei a carrément accusé le président d'avoir fomenté un « coup d'Etat contre la démocratie ». Après son adoption à la hâte par la Commission constituante, dominée par ses partisans (Frères Musulmans) et les salafistes, le texte controversé devait être soumis aujourd'hui, au chef de l'Etat, lequel trancherait sur l'organisation, dans deux semaines, d'un référendum. Comme dans l'ancienne Constitution, la mouture fait des « principes de la charia » la « source principale de la législation ». Une formulation assez consensuelle dans le pays. Mais une nouvelle disposition, selon laquelle les principes de la charia doivent être interprétés, selon la doctrine sunnite, une clause critiquée par les églises chrétiennes et les opposants non islamistes. Sur le terrain, M. Morsi ne veut pas se laisser faire, après la démonstration populaire de l'opposition, vendredi, ayant débouché sur des heurts entre ses partisans et ses opposants. Mobilisés par le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), le bras politique de la confrérie, dont il est issu, des milliers d'islamistes, dont les salafistes, ont marché, hier, dans la capitale. Ces manifestations, baptisées « la marche des forces révolutionnaires islamistes et nationalistes », qui devaient, initialement, se tenir à place Tahrir, sont parties de différentes mosquées du Caire pour converger vers la place Al Nahda. « Le peuple veut l'application de la loi de Dieu », scandaient-ils. Des manifestations pro-Morsi avaient lieu, également, à Alexandrie et dans la province d'Assiout dans le centre du pays. Sur l'autre rive du Nil, des centaines de manifestants campaient sur la place Tahrir. Le « Front d'El Baradei » et Hamdeen Sabbahi, un ancien candidat à la présidentielle, ont appelé les Egyptiens à rejeter le décret et demander l'annulation du projet de Constitution, jurant d'« utiliser tout moyen pacifique pour protester, dont la grève générale et la désobéissance civile ». Critiquée par ses « alliés » occidentaux, la détermination du nouveau président égyptien à mener à bon port ses réformes politiques, n'est pas également du goût des ONG et des instances internationales des droits de l'Homme. Après Human Rights Watch et Amnesty International qui dénoncent la transgression des droits des femmes, et la liberté d'expression, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a exhorté, hier, le président égyptien de « revoir sa position ».