Marzouki et Mustapha Ben Djaafar, représentant les courants laïcs de la coalition au pouvoir, chahutés dans le fief même de la révolution qui a donné, le 17 décembre 2010, le coup d'envoi du « printemps arabe » : les signes de la désillusion plombent la transition, minée par la contestation sociale et la violence endémique. La célébration de l'An II de la « Révolution du jasmin » a viré au cauchemar pour les alliés d'Ennahda pris à partie à Sidi Bouzid par la population excédée par les promesses de changement non tenues. « Vous êtes venus, il y a un an, et vous aviez promis que les choses allaient changer sous six mois, mais rien n'a changé ! », a lancé un manifestant. « Le gouvernement n'a pas de baguette magique pour changer les choses. Il a besoin de temps pour solder l'héritage de 50 ans de dictature », a renchéri le président tunisien écartelé entre les engagements contractés dans une troïka en panne d'alternative et le poids des réalités cumulant les mêmes privations d'hier au ressentiment généralisé d'aujourd'hui. « Zéro investissement » et un chômage en hausse dans cette région déshéritée. Le bilan, établi par le ministère tunisien de l'Industrie, fait ressortir une chute de 36% des investissements et des offres d'emploi en baisse de 24,3%, sur les 11 premiers mois de l'année. Au niveau national, le chômage stagne autour de 18%. Rien n'a donc changé dans la nouvelle Tunisie qui renoue avec le cycle de contestation dégénérant, à Sidi Bouzid comme dans la plupart des villes en ébullition constante. A Siliana, au sud-ouest, les affrontements avec les services de police ont fait, en novembre dernier, près de 300 blessés, à l'issue de la grève sévèrement réprimée. De la paix sociale compromise au diktat salafiste, prenant d'assaut le siège de la puissante UGTT et l'ambassade américaine, la Tunisie de l'instabilité et de l'insécurité qui consomme les chimères de l'islamisme rendu soluble dans la démocratie, ne fait plus rêver. La grande fête gâchée de Sidi Bouzid, tournant le dos à Marzouki et à Ben Djaafar, exprime le monumental gâchis qui a tant profité à l'islamisme, sorti victorieux de la révolution populaire à mains nues. A Sidi Bouzid II, pendant que le président tunisien se faisait copieusement sifflé, des militants de Hizb Ettahrir étaient présents en nombre dans la foule qui l'a conspué. Dans la ville voisine de Kasserine, le terrorisme sévit.