C'est à couteaux tirés entre Facebook et Twitter, talonnés par Yahoo et Google, qui tentent de s'imposer avec leurs nouvelles offres de partage de photos sur les réseaux sociaux. « Les photos sont l'application la plus utilisée sur Facebook, elles sont essentielles », estime le spécialiste des réseaux sociaux Lou Kerner, cité par l'Agence France-Presse. Selon de nombreux experts, les contenus les plus appréciés sur les réseaux sociaux, c'est-à-dire les plus partagés sont ceux qui contiennent une photo. « Le contenu à diffuser sur une page Facebook doit » donner la priorité à « un contenu image », explique Sales Forces, société américaine spécialisée dans l'informatique. Parmi les posts les plus efficaces sur le plus grand réseau social du monde, « il y a les albums photos couvrant des évènements ou les look books », nous append le site spécialisé Web Marketing. Sur Twitter, « utilisez une image pour obtenir un intérêt maximum », conseille la société spécialisée Buddy Media reprise par un site d'information. La tendance de plus en plus accrue au recours à la photo se confirme selon la récente étude TNS Sofres pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) publiée le 12 décembre, en France, consacrée à « La place des photos dans notre vie numérique ». Parmi les principales conclusions de l'étude, « environ 300 millions de photos sont partagées chaque jour sur les réseaux sociaux », « plus de la moitié des internautes français publie des photos sur Internet, dont 86 % chez les 18-24 ans » et enfin « plus d'un internaute sur deux prend une photo d'abord dans le but de la publier ». Ceci pour éclairer sur les ressorts de cette guerre au développement de nouvelles applications à laquelle se livrent des réseaux sociaux spécialisés en photo et autres grands générateurs de fréquentation, Facebook, en tête. C'est ainsi que depuis une semaine, les utilisateurs de Twitter ne peuvent plus intégrer leurs images dans les flux car l'éditeur Instagram, rachetés depuis quelque temps par Facebook a désactivé la fonction Twitter Cards. Twitter a réagi quelques jours plus tard en lançant sa propre application de photos. Twitter aurait cherché à acheter une société qui aurait pu lui fournir cette fonction clé en main. La société reine des messages en 140 signes étudierait par ailleurs la possibilité de développer d'autres outils, comme des éditeurs de vidéos à partager, sans utiliser d'autres services. De son côté, Google a présenté une version Android de Snapseed, sa propre application de partage de photo qui est désormais gratuite. Il a souligné sur son blog la disponibilité sur Android de son application de photos Snapseed, rachetée en septembre dernier. Jusqu'alors, celle-ci n'était disponible que sur une seule plateforme mobile, à savoir iOS. Mais ce n'est pas tout. Google a décidé de diffuser son application de manière gratuite sur Google Play et App Store, alors qu'elle coûtait 4,99 dollars jusqu'à présent (3,99 euros en Europe). Cela ne concerne, en revanche, que la version mobile. Les versions pour poste de travail (Windows, Mac) sont toujours affichées avec un prix de 19,99 dollars. Enfin, Snapseed est désormais intégrée avec Google +, le réseau social du moteur de recherche. Toutes ces manœuvres n'ont évidemment qu'un seul but : concurrencer l'application Instagram. Flickr de Yahoo, un autre prétendant, a également donné un coup de neuf sur son site web, avec une nouvelle barre de navigation et de nouvelles fonctions d'exploration. Flickr revendique plus de 70 millions d'utilisateurs, qui ont chargé jusqu'à présent plus de 8 milliards de photos par son intermédiaire. Flickr a lancé une nouvelle version de son application iPhone avec laquelle la filiale de Yahoo veut, visiblement, concurrencer directement Instagram. Refaite à partir de zéro, cette nouvelle appli propose, comme son concurrent, une série de filtres 16 au total à appliquer sur le cliché. Evidemment, l'éditeur a particulièrement soigné la fonction de partage. « Nous avons conçu l'application en ayant le partage à l'esprit, que ce soit par courriel, avec la communauté Flickr, ou votre réseau social favori. Nous avons travaillé dur avec nos partenaires pour garantir que les photos s'affichent bien sur Twitter, Facebook et Tumblr », souligne Brett Wayn, le vice-président de Flickr, dans le message publié sur le blog de sa maison mère. Instagram revendique pour sa part plus de 100 millions d'utilisateurs. Pour se démarquer de ses concurrents, Facebook va un peu plus loin pour notamment tirer des revenus de son service de partage de photos Instagram. Les photos des utilisateurs pourront ainsi être exploitées par les annonceurs pour leurs campagnes publicitaires. Instagram vient, en effet, de dévoiler sa nouvelle politique de confidentialité, qui prendra effet le 16 janvier prochain. Elle prévoit tout un arsenal de mesures qui doivent lui permettre de monétiser son service, en collaborant davantage avec son réseau-mère, Facebook. Les nouvelles mesures prévoient ainsi le partage des données utilisateurs avec le réseau social où elles pourront être exploitées par des annonceurs. Une décision qui a provoqué une véritable levée de boucliers, les membres refusant assez largement de voir leurs photos récupérées pour des campagnes publicitaires. Certains estiment par ailleurs que cette politique est loin d'être conforme aux idéaux mis en avant par Mark Zuckerberg dans sa lettre aux investisseurs publiée avant l'entrée en Bourse de Facebook. Le fondateur du réseau les prévenait en effet qu'ils n'allaient pas acheter des actions d'une entreprise comme les autres, mais qu'ils participaient à une mission visant rien moins qu'à rendre le monde meilleur. Façon de les prévenir que Facebook pouvait accepter de perdre temporairement de l'argent si cela devait servir le but de la mission. « En nous focalisant sur notre mission et en développant de grands services, nous croyons que nous créerons le plus de valeur pour nos actionnaires et nos partenaires à long terme, expliquait-il ainsi. Nous ne nous réveillons pas le matin avec pour but premier de gagner de l'argent, mais nous comprenons que le meilleur moyen d'accomplir notre mission est de construire une entreprise forte et bien valorisée (...) En clair, comprendre « nous ne développons pas des services pour faire de l'argent ; nous gagnons de l'argent pour bâtir de meilleurs services ». Ce qui ne semble pas coller avec ses dernières initiatives. Qu'importe, pour Facebook, l'enjeu vaut vraiment tous les sacrifices. La photographie est en train de s'imposer parmi les contenus les plus sollicités. Ce succès se traduit par le phénoménal développement d'Instagram, réseau social dédié à la photo absorbé depuis par Facebook. La force de son application est d'allier la photo rétro, façon Polaroïd, avec un réseau social afin de partager ses photos avec son réseau d'amis. En deux ans, l'application est devenue un incontournable du monde du numérique. Elle a rapidement attiré plus de 20 millions d'utilisateurs, avec une croissance plus rapide que Twitter et Facebook, expliquait en juillet dernier Readwrite, un blog spécialisé. Un succès qui a inspiré y compris les professionnels de la presse ; le magazine américain Times s'est en effet appuyé sur Instgaram pour couvrir la tempête Sandy qui a balayé les Etats- Unis. « Les leçons de la tempête », titrait le magazine Time dans son édition pour le nord-est des Etats-Unis. Logiquement, le magazine parle des dégâts des eaux, des inondations, des jetées brisées, et de la façon d'améliorer la protection de la côte et des événements climatiques. Mais au passage, c'est peut-être une autre leçon que le magazine a tirée : apparemment, il est possible d'utiliser Instagram pour couvrir un événement. Time a proposé à cinq photographes, utilisateurs du site de partage d'images, d'immortaliser le passage de Sandy sur les côtes américaines, d'Atlantic City à Newark en passant par Brooklyn, en publiant directement sur le flux du magazine. Kira Pollack, directrice de la photographie du magazine, explique ce choix par la nécessité d'une information en temps réel : « Ce n'était pas ‘oh, c'est la mode, faisons ça sous Instagram' ». La question était d'amener le plus rapidement possible les photos aux lecteurs, et un smartphone avec une connexion permanente paraissait la meilleure solution. Moins encombrant, le téléphone s'emporte partout et s'avère plus facile à dégainer qu'un appareil photo. Et les derniers chiffres relatifs au marché du Smartphone sont éloquents. En effet, les ventes mondiales d'appareils photo numériques se sont écroulées de 48 %, rapportait, fin novembre, le quotidien économique français Les Echos. « Le marché des appareils photo compacts numériques s'est contracté plus brutalement que prévu, car les smartphones équipés de fonctions photographiques se répandent partout « , a commenté le P-DG de l'entreprise japonaise Olympus, Hiroyuki Sasa. Pire, la production d'appareils photo numériques devrait subir en 2013 une baisse de 7,2 % par rapport à 2012. Cette diminution serait due à la fois à un contexte économique défavorable et à la compétition acharnée des téléphones mobiles, selon une étude menée par le site taïwanais Digitimes Research, et rapportée par le site spécialisé Question photo. Sans compter que le nombre global de smartphones en circulation devrait augmenter avec leur forte progression, prévue l'année prochaine, dans les pays émergents comme la Chine, la Russie, l'Inde et les pays d'Amérique du Sud.