De l'avis des historiens, cette opération a marqué le cours de la lutte de Libération nationale, mais reste méconnue de l'opinion publique. Un documentaire de Mourad Hammami et un livre de Camille Lacoste-Dujardin ont levé le voile sur cette « affaire ». Ce complot voulait briser l'engagement des maquisards, mais avait fini par se retourner contre ses concepteurs. L'hommage rendu, hier, par l'association Machaâl Echahid au moudjahid Yazourene Mohand Ameziane dit « Si Saïd Vrirouche » décédé le 5 janvier 1988, a permis à ses proches, en l'occurrence le moudjahid Mohamed Saleh Seddik (auteur de deux livres en arabe, « Un voyage dans les tréfonds de la révolution » et « Opération Oiseau bleu »), de revenir sur ce fait de la guerre de libération nationale. Mohamed Cherif Kharroubi revient dans le détail sur cette opération conçue, deux années après le déclenchement de la lutte armée, à l'automne 1956. Ce plan fut tenté par les services secrets français, en Kabylie, chez les Iflissen Lebhar. Initiée par Jacques Soustelle et poursuivie par son successeur, Robert Lacoste, l'opération « Oiseau bleu » a été conçue dans le but d'étouffer dans l'œuf la jeune révolution algérienne, dans les régions réputées avoir grandement participé au déclenchement de la guerre de Libération nationale, particulièrement en Kabylie. Grâce à ses capacités d'organisateur, son intelligence hors du commun et sa ruse légendaire, Si Saïd a réusi à jouer un rôle prépondérant dans la réussite de l'opération « Oiseau bleu » aux côtés de Zaïdat Ahmed, Mehlal Saïd et bien d'autres moudjahidine. Et ce, sous la responsabilité de Krim Belkacem qui assurait le commandement de la zone de Kabylie, secondé par Mohammedi Saïd dit Si Nacer. De l'avis de ses amis, Mohamed Salah Seddik et Mohamed Kharroubi, c'est à l'avantage des maquisards qu'a tourné cette affaire. Les hommes recrutés et armés par les services français s'étant révélés être des rebelles, à l'exemple de Omar Toumi dont le village Iguer Nsalem sera rasé en guise de représailles. « C'était compter sans les capacités de réplique des cadres de la révolution, qui sont arrivés à déjouer les plans diaboliques élaborés par l'administration coloniale », témoignent les invités de l'association Machaâl Echahid. Contrairement aux attentes des forces colonialistes, qui voulaient faire des populations de la région des supplétifs à leur solde, les groupes « adhérant » à l'opération ‘« Oiseau bleu » n'obéissaient qu'aux ordres du maquis. Les Français avaient, de ce fait, essuyé un cuisant revers. Leur complot a profité à la guerre de Libération en dotant ses rangs de 1.200 hommes armés et d'un « butin » de 300 millions francs français. Pour les historiens, l'opération « Oiseau bleu » est révélateur des visées et des illusions de l'administration coloniale. Réagissant à cette humiliation due à une erreur de jugement de ses concepteurs, l'armée française a engagé, quelques jours plus tard, l'opération « Djenad », mettant en œuvre de très gros moyens, près de 10 000 hommes et la marine de guerre. 110 combattants FLN seulement seront mis hors de combat, 31 armes de guerre et 102 fusils de chasse récupérés. Du côté français, les pertes sont fort importantes. Mais l'ampleur des pertes n'a jamais été communiquée. C'est dire la gifle administrée au colonisateur.