En évoquant, à Oran, la date symbole de l'indépendance de l'Algérie, on amorce forcément un voyage dans le temps et la terreur sous le sceau sanglant de l'OAS. Et qui mieux que Mohamed Benaboura, moudjahid de la première heure et ancien fidaï, pour mieux raconter cette période. Actuel vice-président de l'APW d'Oran, auteur de trois ouvrages sur la Révolution « Parcours d'un résistant oranais », « OAS, Oran dans la tourmente, 61-62 » et le « Calvaire carcéral », il passera cinq ans en prison, Mohamed Benaboura estimera qu'avant de parler d'Oran, le 5 juillet, il faut remonter un peu plus loin avec l'avènement des irréductibles de l'Algérie française qui donneront naissance à la sinistre OAS qui endeuillera les grandes villes d'Algérie. Dans la stratégie terroriste du colonel Gardy, véritable éminence grise de l'Organisation, il fallait isoler Oran du reste de l'Algérie en chassant les Algériens pour la monnayer avec le GPRA. Pour cela, des actions terroristes sont quotidiennement planifiées pour semer la terreur chez les Oranais qui n'étaient pas nombreux, quelque 80 à 90 mille regroupés à M'dina J'dida et El Hamri, contre 350 mille pour la population européenne. L'OAS aura fait, de 61 jusqu'à l'attentat au port, entre 3500 à 4000 morts à Oran, selon notre interlocuteur qui reviendra longuement sur cette année charnière avant l'indépendance en insistant sur la riposte du FLN qui avait structuré les nombreux groupuscules de résistance que comptait Oran en deux importants réseaux à partir de janvier 1961. Le réseau Abdelbaki couvrait M'dina J'dida, Boulanger, Eckhmul et les Planteurs alors que celui de Abdelhamid était implanté à Ras el Aïn, Sid el Houari, El Hamri, Derb entre autres. Quant à l'OAS, elle avait tout simplement copié les structures du FLN et Oran était devenue « sa » zone 3. La mission première des deux réseaux, qui compteront chacun 400 membres, était de maintenir les Algériens au niveau de la ville en les protégeant et en créant une peur psychologique au sein même de l'OAS et de ses relais. « Entre janvier 61 jusqu'au 9 mars 62, le FLN a mené 830 opérations à Oran contre les indicateurs, les responsables et militants de secteurs de l'OAS et nous n'avons jamais touché une seule femme », témoignera Mohamed Benaboura qui se souvient toujours avec émotion des exactions commises par l'organisation terroriste contre les civils. Des actions qui se succédaient avec les concerts de casserole, les nuits bleues où l'on comptabilisait parfois jusqu'à 40 à 50 plasticages par nuit. Il citera également l'attaque de la prison civile, lorsqu'un commando OAS, se faisant passer pour des gendarmes ont extirpé Guerab, Othmane, Sabri et Fréha, 4 responsables FLN, condamnés à mort, de leurs cellules, de les conduire vers la forêt de Canastel, de les torturer puis de les bruler vifs. Il se rappellera également de l'attentat à la voiture piégée à la place Tahtaha qui avait fait près de 80 morts et plus de 200 blessés. «Même après le cessez le feu, Oran et Alger étaient toujours en guerre, les attentats se multipliaient», se souvient encore Si Mohamed. Après les résultats du référendum et la proclamation de l'indépendance, Oran a vécu une joie indescriptible, le 3 juillet, avec un grand défilé de tous les fidaïs et combattants à la place Tahtaha. «On était indépendants », conclura Mohamed Benaboura.