Il souffle un air de revanche, passablement exprimé par la protestation des habitants de Port-Saïd, frustrés par le « verdict politique » condamnant à mort les 21 supporters coupables des violences commises, en février dernier, contre les « Ultras » du vieux rival d'El Ahly. Et, si le déclic ravageur de Port-Saïd a fait trembler l'Egypte dans ses nouvelles fondations, le déchaînement de violence a marqué au fer une transition en crise profonde. Le malaise est profond. Signes distinctifs : la place mythique Tahrir retrouvant sa vocation de champ de bataille incontournable, rythmé par l'assaut des manifestants armés de cocktails Molotov et de pierres succédant aux grenades lacrymogènes, le grand pont du « 6 Octobre » reliant l'est et l'ouest de la capitale bloqué, et la grande « corniche » longeant le Nil transformée en arène. L'Egypte profonde ne décolère pas non plus : les accrochages se poursuivent à Alexandrie, Suez, Ismaïlia et dans le Delta du Nil. Le bilan des événements tragiques de Port-Saïd (301 morts et 433 blessés) traduit la gravité de la situation qui a contraint le président Morsi à annuler une visite prévue en Ethiopie. La poudrière égyptienne menace. Hier, lors des funérailles, des coups de feu d'origine indéterminée se sont fait entendre dans un climat de terreur. Sous haute tension, l'Egypte de Morsi, accusée par les alliés d'hier de « confisquer » la révolution du 25 Janvier, s'enlise dans les divisions politiques. Elle a mal, notamment, dans les retombées d'un certain printemps aux allures chaotiques. La machine économique est en panne. Elle est gravement déstabilisée par la chute drastique des recettes touristiques, le désinvestissement, le rétrécissement des réserves en devises de la Banque centrale couvrant à peine 2 mois d'importations, le déficit budgétaire frôlant les 10% du PIB, une dangereuse inflation des produits alimentaires. En outre, le fragile édifice institutionnel a été ébranlé par l'érosion du consensus des acteurs du changement. La fracture devient ainsi irrémédiable entre le pouvoir, faisant main basse sur les leviers du pouvoir, et une opposition laïque et démocratique revendiquant une « solution globale » et la mise en place d'un « gouvernement de salut national ». Pour toute alternative : le recours à l'état d'urgence et au couvre-feu, brandi par Morsi, ou le blocage total annoncé par l'opposition.