L'armée égyptienne s'est déployée dans les rues de Suez hier matin au lendemain de la mort de neuf personnes lors de manifestations qui ont marqué le deuxième anniversaire du soulèvement qui a provoqué la chute de Hosni Moubarak. Huit des morts, dont un policier, ont été tués à Suez. Une autre personne a été abattue à Ismaïlia, a-t-on appris de source médicale. Les autorités font état de 456 blessés à travers le pays. Les heurts de vendredi révèlent les profondes divisions de la société égyptienne. Les manifestants estiment que le président Mohamed Morsi, et les Frères musulmans qui l'ont porté au pouvoir, ont trahi la révolution. L'Etat, a déclaré le président Morsi dans un communiqué, n'hésitera pas à «poursuivre les criminels et à les livrer à la justice.» Il a appelé les Egyptiens à respecter les principes de la révolution en exprimant leur opinion de façon pacifique. Les troupes ont été déployées à Suez sur demande du responsable de la sécurité publique. Les militaires ont distribué des brochures aux habitants leur expliquant que leur présence serait temporaire et répondait à un souci de sécurité. «Nous avons demandé aux forces armées d'envoyer des renforts jusqu'à ce que nous ayons passé cette période difficile», a déclaré à la télévision Adel Refaat, responsable de la sécurité publique à Suez. Les témoins avancent des versions contradictoires au sujet de ce qui s'est passé à Suez. Certains affirment que les forces de l'ordre ont riposté à des tirs d'hommes masqués. La fracture sociale égyptienne a pour conséquence de rendre plus difficile le redressement économique du pays, qui doit faire revenir touristes et investisseurs. Vendredi, des milliers de manifestants se sont rassemblés place Tahrir au Caire, épicentre de la «Révolution du Nil» il y a deux ans, pour réitérer les exigences d'un mouvement, qu'ils estiment confisqué par les Frères musulmans. Les laïcs et les libéraux rassemblés au sein du Front du salut national (FSN) accusent les Frères musulmans, vainqueurs de toutes les élections organisées depuis la chute d'Hosni Moubarak, de vouloir restreindre les libertés civiques. A Suez, l'armée a déployé des véhicules blindés pour garder les bâtiments publics. Les signes du pouvoir ont été visés un peu partout dans le pays. Des batailles de rues ont eu lieu au Caire, à Alexandie, Suez et Port-Saïd. A Ismaïlia, sur le canal de Suez, les locaux du Parti de la justice et la liberté, le parti politique des Frères musulmans, ont été mis à sac avant d'être incendiés, selon des témoins. Au Caire, Hamdine Sabahy, candidat de la gauche à l'élection présidentielle du printemps dernier, a prévenu: «Notre révolution se poursuit. Nous rejetons la domination de tout parti sur l'Etat. Nous disons non à l'Etat-Frères musulmans.» Les yeux rivés sur les prochaines élections législatives, qui pourraient débuter en avril, les Frères musulmans n'avaient pas appelé à la mobilisation pour ce deuxième anniversaire, craignant de nouvelles violences après celles de décembre déclenchées par la décision du président Morsi d'accélérer l'adoption de la Constitution, rejetée par les anti-islamistes. A la place, les Frères ont lancé une campagne caritative en faveur des plus démunis. Ils envisagent de fournir une aide médicale à un million de personnes et de distribuer des denrées basiques à des prix accessibles. Cette journée de heurts avait commencé très tôt. Au Caire, avant le lever du jour, des manifestants ont jeté des cocktails Molotov, des pierres et des pétards contre un barrage de police qui barrait l'accès à des bâtiments gouvernementaux situés près de la place. Dans l'après-midi, l'atmosphère était encore chargée des fumées des gaz lacrymogènes tirés par la police. A un moment, la police a utilisé un des engins incendiaires jetés contre elle pour mettre à feu au moins deux tentes installées par les jeunes, a constaté Reuters. Les affrontements entre policiers et manifestants ont continué durant la journée dans les rues avoisinant la place Tahrir. Des ambulances ont transporté à l'hôpital un flux constant de blessés. «Nous ne sommes pas là pour faire la fête mais pour forcer ceux qui sont au pouvoir à se soumettre à la volonté du peuple», a déclaré le militant Mohamed Fahmy. «L'Egypte d'aujourd'hui ne doit plus jamais être comme l'Egypte de l'époque de Moubarak.» «Sauver l'Egypte de la loi du Guide suprême», lisait-on sur une autre banderole, en référence à Mohamed Badie, guide suprême des Frères musulmans.