La nouvelle Egypte vacille dans ses fondations. Deux camps irréductibles : les Frères musulmans au pouvoir, défendant bec et ongles la déclaration constitutionnelle par laquelle Morsi s'attribue des « pouvoirs souverains » jugés temporaires, et l'opposition laïque et libérale, décidée à en découdre pour combattre le « coup d'Etat institutionnel », remettant en cause les acquis de la révolution du 25 Janvier qui a renversé le régime de Moubarak. Pour la cinquième journée consécutive, les manifestations anti-Morsi se sont poursuivies. Des dizaines de tentes sont dressées dans la mythique place Tahrir. Le cycle de violence a plongé dans la crise l'Egypte de Morsi, paralysée par le face-à-face inquiétant des partisans et des adversaires du Président, la rébellion des juges protestant contre ce qu'ils considèrent comme une violation du principe d'indépendance, l'entrée en scène des journalistes menaçant de se mettre en grève et appelant ses représentants à se retirer de l'Assemblée constituante, et la fronde des cooptes. Le mardi de la peur, timidement évacuée par l'annulation de la manifestation par les « Frères musulmans » et les gestes d'apaisement de Morsi en conclave avec les représentants de l'institution judiciaire et se déclarant « prêt au dialogue », véhicule la crainte de l'irréparable, exprimée par le bilan sanglant des affrontements (2 morts et 450 blessés), le siège des locaux du Parti de la liberté et de la justice, en feu à Suez, Ismaïlia et Port Saïd, ainsi que la présence en force des « Frères musulmans » devant le palais présidentiel. Dans cette première crise politique et institutionnelle, la nouvelle Egypte laisse éclater des divergences sur la nature de la transition démocratique. Elle est accusée par les alliés d'hier, en regroupement dans le « Front du salut national » de Baradeï, Amr Moussa et El Sabehi, de dérive autocratique et de confiscation de la révolution populaire du 25 janvier par la nouvelle majorité, concentrant les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Les couacs de la transition se conjuguent à une crise de confiance qui sape les fondements de la construction démocratique et fragilise une économie à bout de souffle : les promesses d'investissement, qui tardent à venir, la livre en baisse vertigineuse à 6,1 dollars, la bourse dévissant de 10% et renonçant à une émission obligatoire de 200 millions de dollars, la menace du gel du crédit du FMI de 4,8 milliards de dollars décidé après des mois de négociations et jugé crucial pour le financement du déficit budgétaire estimé, l'an dernier, à 11% du PIB.