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« La préservation des zones humides, un enjeu majeur »
Mme Dalila Boudjemaâ, secrétaire d'état auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de l'environnement et de la ville, chargée de l'Environnement
Publié dans Horizons le 04 - 02 - 2013

La Journée mondiale des zones humides est célébrée chaque année, le 2 février. Pouvez-vous nous en donner quelques détails ?
Effectivement, depuis 1971, le 2 février de chaque année, des organismes gouvernementaux, des organisations non-gouvernementales et des groupes de citoyens à tous les niveaux de la société célèbrent la Journée mondiale des zones humides pour commémorer la signature de la Convention de Ramsar, traité intergouvernemental qui sert de cadre référentiel à l'action nationale et à la coopération internationale pour la conservation et l'utilisation rationnelle des zones humides et de leurs ressources et marquer la prise de conscience internationale pour la protection de la biodiversité. La planète perd deux à quatre espèces par heure. Cet événement est une occasion pour sensibiliser le public aux valeurs et aux avantages de ces milieux.
Quelle est la définition d'une zone humide ?
La Convention de Ramsar définit les zones humides comme des étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d'eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l'eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d'eau marine dont la profondeur à marée basse n'excède pas six mètres. Une zone humide est une région où le principal facteur d'influence est l'eau.
La journée mondiale des zones humides s'est articulée, cette année, autour du thème « la protection de la ressource en eau par les zones humides ». En quoi les zones humides protègent-elles l'eau ?
En faisant de 2013, l'année internationale de la coopération dans le domaine de l'eau, l'Assemblée générale des Nations unies reconnaît que l'eau est vitale pour le développement durable. Etant des écotones, c'est-à-dire des espaces de transition entre la terre et l'eau, ces milieux naturels qui abritent une biodiversité exceptionnelle, où nichent de nombreuses espèces floristiques et faunistiques, jouent un rôle primordial dans la régulation de la ressource en eau et leur épuration. A titre d'exemple, le pouvoir filtrant d'un marais est de 153 000 litres d'eau en une journée. En plus de leur pouvoir hydrologique (épuration de l'eau grâce à leur riche biocœnose, alimentation des nappes d'eau souterraines et superficielles), d'autres fonctions leur sont conférées : biologique (lieux d'abri, de nourriture et de reproduction ou d'hivernage pour de nombreuses espèces), économique (élevage, aquaculture, pêche, production d'osier, de sel...) et sociologique (lieux de détente, de découverte et de loisirs). La préservation de ces zones humides est donc un enjeu majeur tant environnemental, économique que social.
Selon vous, quels changements la convention Ramsar va-t-elle apporter en termes de gestion et de protection des zones humides ?
La convention Ramsar contribue à la mise en œuvre du processus de gestion et de protection des zones humides, la sensibilisation des utilisateurs, l'harmonisation de leur travail avec la conservation de la nature. De plus, ce label apportera un meilleur potentiel touristique et la possibilité d'améliorer la gestion des zones humides
Quel bilan faites-vous des zones humides en Algérie ?
A l'instar des autres pays de la Méditerranée, l'Algérie regorge une grande diversité d'habitats et d'écosystèmes de zones humides représentés par des lacs, des marais, des chotts, des sebkhas, des dayas, des oasis et autres qui jouent un rôle important comme sites de halte, d'hivernage et de nidification. Le dernier recensement effectué en 2006 a dénombré 1451 zones humides en Algérie, dont 762 naturelles et 689 artificielles. 42 sites d'importance internationale, classés sur la liste de la Convention de Ramsar des zones humides et 13 autres sites Ramsar dont l'étude est en cours pour leur classement. Ces zones humides couvrent un peu plus de 3 millions d'hectares, soit 50% de la superficie totale estimée des zones humides en Algérie et renferment un fort potentiel biogénétique avec plus de 800 espèces végétales limniques, 34 espèces de poissons et 50 espèces d'oiseaux. La partie nord-est de l'Algérie renferme essentiellement des lacs d'eau douce, à l'image du complexe lacustre particulièrement important, d'El Kala, des marais, des ripisylves et des plaines d'inondation. Les hautes plaines steppiques se caractérisent par les chotts, tel le Chott El Bhour Nâama, les dayas, plans d'eau non salées et où la nappe phréatique n'est pas très profonde. En Kabylie, la cascade de Kefrida. Dans les zones sahariennes, ce sont les oasis, zones humides artificielles dont l'irrigation s'effectue grâce aux foggaras. Dans les massifs montagneux de l'Ahaggar et du Tassili, des gueltas, sources d'eau permanentes qui alimentent ces zones. Afin d'assurer la préservation de ces écosystèmes, la convention intergouvernementale Ramsar œuvre pour favoriser la conservation et l'utilisation rationnelle des zones humides. Toutes les zones humides ont des valeurs importantes. Elles sont le siège d'une biodiversité exceptionnelle où cohabitent d'espèces floristiques et faunistiques. Ce sont des sites incontournables pour la migration de nombreuses espèces avicoles. Toutes apportent des avantages qui se mesurent à la qualité des écosystèmes et dont les êtres humains dépendent.
Quelles sont les principales menaces qui pèsent sur les zones humides ?
Les principales causes de la régression des zones humides sont les perturbations physiques, principalement les sécheresses ou inondations, le drainage, la perte et/ou la perturbation des habitats, la dégradation de la qualité de l'eau (eutrophisation, pollutions chimiques par les produits phytosanitaires et/ou les hydrocarbures, comme du sud, les eaux usées et les déchets solides urbains), la présence d'espèces envahissantes (faune et/ou flore) et diverses pressions anthropiques tels la chasse et la pêche non contrôlées, l'agriculture, cas du marais de Mekhada qui est utilisé pour le pâturage extensif, et l'extraction de sable ayant pour conséquences la perturbation de l'équilibre écologique de l'écosystème, la disparition des paysages et des écosystèmes littoraux, la réduction de la diversité biologique marine et côtière et le déclenchement du processus de désertification
Quelles sont les espèces les plus menacées actuellement ?
La classe des oiseaux surtout les oiseaux d'eau, espèces sujettes à des agressions diverses (braconnage, destruction des nids, pollution du milieu, etc.). Les plus menacées actuellement en Algérie sont les espèces nicheuses tel le flamant rose, dont le site de nidification est Sebkhet Ezzemoul dans les Hauts-Plateaux.
Quel est le cadre législatif pour la conservation des zones humides ?
Au plan national, il y a plusieurs textes dont les plus importants sont la loi portant régime général des forêts, celle relative à la protection de l'environnement dans le cadre du développement durable, la loi portant code des eaux, la loi relative à la protection et à la préservation de certaines espèces animales menacées de disparition, la loi sur le littoral, la loi portant régime général des forêts, la loi phytosanitaire, sans oublier le schéma directeur des espaces naturels et aires protégées et le plan national d'actions environnementales. Au plan international, la Convention de Ramsar relative aux zones humides d'importance internationale, la convention sur le commerce international des espèces de la faune et de la flore sauvages menacées d'extinction, la convention sur la diversité biologique et les conventions des Nations unies sur les changements climatiques et celle sur la lutte contre la désertification
Quelles sont les actions entreprises par l'Algérie pour la protection des zones humides ?
En ratifiant la Convention de Ramsar en 1982, l'Algérie s'est engagée à préserver ces zones humides pour assurer leur conservation et leur exploitation rationnelle et durable. Pour concrétiser cet engagement, l'Algérie a mis en œuvre sa stratégie nationale en faveur de la protection des zones humides qui implique l'ensemble des ministères et des services déconcentrés, les collectivités locales et la société civile, dont le rôle est d'être une force de propositions. Le caractère transversal des actions qui s'y rattachent sont une condition essentielle de l'animation, du suivi et de l'évaluation de la stratégie nationale. L'Autorité nationale de la Convention de Ramsar a été désignée, en l'occurrence la Direction générale des forêts. Cette stratégie s'est traduite dans les faits par l'amélioration de la connaissance du patrimoine et son évolution, sa préservation et son développement par une gestion rationnelle et durable, le renforcement des capacités nationales en matière de gestion intégrée de ces zones, l'élaboration d'un programme d'éducation, d'information et de sensibilisation du grand public sur les valeurs et fonctions des zones humides. A cet effet, de nombreuses actions ont été réalisées, notamment, la restauration et la réhabilitation du lac de Réghaïa, dernier vestige de la Mitidja qui accueille trois espèces d'oiseaux d'eau mondialement menacées : la Sarcelle marbrée, le Fuligule nyroca et l'Erismature à tête blanche et celui de la gestion rationnelle du site Ramsar de la plaine de Guerbes-Sanhadja à Skikda dans le cadre d'opérations pilotes en partenariat avec le Pnud et le Fonds mondial pour la nature, la conservation de la biodiversité et la gestion durable des ressources naturelles de deux sites en zones arides (Dayet Ettyour et Aïn Ben Khellil), des études de plan de gestion de 22 sites Ramsar. Le lac de Boughezoul, classé site Ramsar, le 5 juin 2011, fait également l'objet d'une étude pour son classement en vue de son aménagement en aire protégée avec le lac d'El Ménéa (Ghardaïa). 10 zones humides sont programmées par le ministère chargé de l'Environnement pour être classées en aires protégées et de ce fait, seront mises en valeur à travers un aménagement spécifique. Ce sont l'oasis de Tamentit (Adrar), le chott Tmerganine (Oum El Bouaghi), l'oued Mazafran (Alger), l'embouchure du Mazafran (Tipasa), guelta d'Affilal (Tamanrasset), Zahrez Echchergui (Djelfa), chott El Hodna (M'Sila), dayet El Morsli (Oran), le lac Tonga (El Tarf), le barrage Bougara (Tissemsilt) Par ailleurs, pour une gestion participative, des projets de proximité autour des sites Ramsar ont été développés dans le cadre de la politique du renouveau rural engagée par le ministère de l'Agriculture et du Développement rural dont l'objectif est l'amélioration des conditions de vie des populations locales et la réduction de la pauvreté Pour soutenir ces actions concrètes et en vue de susciter et d'accompagner davantage les initiatives locales en faveur de la gestion durable des zones humides, tout en poursuivant les mesures nationales, un programme d'information, de sensibilisation et d'éducation environnementale a vu la création de deux centres d'éducation environnementale pour éduquer et sensibiliser le public, en particulier sur les enjeux environnementaux des sites. Quatre Atlas sur les zones humides classées sur la liste de Ramsar ont été édités. Au mois d'août dernier, un réseau d'observateurs ornithologiques pour le suivi écologique des zones humides a été créé.
Vous avez évoqué le renforcement des capacités nationales en matière de gestion intégrée des zones humides. Qu'en est-il de la formation ?
Un vaste programme a été initié et qui touche tous les thèmes y afférents, tels la gestion des espèces et habitats, la cartographie, le système d'information géographique, les techniques de dénombrement, la sensibilisation, l'éducation environnementale et le suivi et l'évaluation des plans de gestion, une formation de formateurs initiée en décembre 2004 dans le cadre projet MEDPan relative à la gestion des aires marines protégées, en collaboration avec la Tour du Valat, en plus du programme Perchat initié par le ministère de l'Agriculture
Quelle est la voie la plus appropriée pour valoriser les zones humides ?
Pour valoriser les différents services des zones humides, je crois que le tourisme écologique et culturel est une voie socialement et économiquement intéressante. Cependant, pour que ce tourisme soit durable, il faut impliquer les populations locales, garantes des acquis culturels et protecteurs des ressources naturelles et les sensibiliser aux avantages et bénéfices qu'elles peuvent en tirer. Pour cela, il faut les préparer à s'adapter à ces services et aux facilités d'accueil en réponse aux attentes.
Avez-vous un message ?
Ces espaces naturels jouent un rôle important dans les processus vitaux, entretenant des cycles hydrologiques, abritant une flore importante et accueillant une faune très diversifiée, notamment les oiseaux migrateurs. Préservons-les.


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