Un endroit idéal pour ceux qui ont un goût pour l'évasion. En revanche, ceux qui ont une préférence pour le moderne, seront obligés de se rabattre sur des petits hôtels au confort plutôt limité. Pendant qu'Alger se mouille de pluie en ce mois de février, Ghardaïa brille sous un soleil éclatant. Un soleil de plomb. Idéal pour le touriste européen, fatigué de claquer les dents sous un froid de canard. Mais une épreuve pour les habitants qui rêvent de nuages sombres, chargés de pluie. Cela fait trois ans, déplorent les agriculteurs, qu'il n'a pas plu dans la vallée du M'zab. Les palmeraies, l'un des atouts touristiques les plus importants de Ghardaïa, semblent, en effet, défraîchies, pour ne pas dire desséchées. Certes, les dernières crues ont ravitaillé la nappe phréatique qui alimente les puits et les réservoirs. Mais pas suffisamment pour rendre leur brillance aux feuillages fades et faire couler l'eau entre les palmiers, dont le murmure fait le bonheur des paysans et des touristes. Cela dit, contrairement au système des foggara qui, ailleurs, sombre dans l'oubli, le partage des eaux à Ghardaïa est encore solide après dix siècles ! Les Mozabites y veillent. Sans cela d'ailleurs, Ghardaïa risquerait d'être submergée. Le barrage construit par les ancêtres mozabites dans l'oued de Ntissa, à Béni Izguen, amortit la pression et permet de canaliser les eaux des crues pour les diriger ensuite vers Oued M'zab, épargnant ainsi la ville. Mais des crues exceptionnelles, comme celles de 2008, défient le barrage, emportant dans sa coulée des vies et des maisons. Certes, des précautions sont prises, des murets sont édifiés sur les bords des oueds mais le risque est toujours là et les habitants ne peuvent s'empêcher d'appréhender la période des pluies. Jusqu'à présent, le barrage, âgé d'un millier d'années, arrose les palmeraies et les terres agricoles sur lesquelles se cultive l'agriculture maraîchère. L'eau est distribuée en fonction du nombre de palmiers et coule via des fenêtres trouées. L'unité de mesure n'est autre que le palmier. En ce début de février, le barrage est sec mais n'est pas moins impressionnant, par sa silhouette et l'ingéniosité de son architecture. MAISONS D'HÔTE, LA GRANDE ATTRACTION Le système de partage des eaux est à lui seul un patrimoine. Mais ce n'est pas le seul. Les ksour qui surplombent la vallée du M'zab ne le sont pas moins. Là, une petite balade s'impose. Le ksar de Ghardaïa pour commencer. Car c'est le plus accessible. Toutefois, pour l'atteindre, il faut d'abord passer par le grand marché. Une grande surface en plein air où les épices aux odeurs piquantes se la disputent aux dattes et aux truffes, dont les prix coûtent les yeux de la tête ! Tout autour, des arcades abritent des boutiques artisanales d'où l'on entend des clients, et quelques touristes, marchander les prix des tapis, poteries et autres objets artisanaux. Les boutiques, décorées de tapis, rappellent un peu les maisons mozabites dont raffolent les touristes. C'est là où ces derniers aiment généralement séjourner. Les infrastructures hôtelières, au confort limité, sont plutôt boudées. « El Djanoub » et le « Rostomide » auraient pu offrir plus de confort mais leur réhabilitation prend encore du temps. Conscientes de cela, les agences de tourisme déploient les charmes des maisons d'hôte, implantées dans les palmeraies, pour attirer les touristes, les pousser à revenir... avec leurs amis et les amis de leurs amis... ! « A Ghardaïa, le tourisme se fait de bouche à l'oreille, se construit sur la confiance. Des amis nous contactent, on les accueille en faisant en sorte de leur fournir des produits typiques de la région et, par la suite, ce sont eux qui font, sans se rendre compte, la promotion de notre tourisme auprès de leurs amis et ainsi de suite », confie Ali Zakaria, représentant de l'agence de voyages « Nadher ». Une formule qui arrange les agences de voyage et de tourisme. Car d'un côté elle n'exige pas de moyens financiers importants et de l'autre, elle ne nécessite pas des compétences que le secteur touristique n'a, de toute façon, pas en quantité ! « Le tourisme exige la disponibilité, le service, des capacités qui, d'une façon générale, nous font défaut. Mais le problème qui se pose, c'est que ce ne sont pas toutes les maisons d'hôte qui ont réussi à obtenir l'agrément du ministère du Tourisme et de l'Artisanat. La plupart ont le titre de simples dortoirs, mais les propriétaires les exploitent comme maisons d'hôte en exigeant des prix faramineux. 800 DA la nuit par personne », déplore-t-il en espérant que la tutelle délivre plus facilement les agréments. Les maisons d'hôtes, qu'elles soient anciennes ou fraîchement construites dans le style traditionnel, sont toutes implantées en dehors des ksour. DES KSOUR BIEN CONSERVES, MAIS... Le règlement des Mozabites ne tolère pas les étrangers à l'intérieur des anciennes cités, sauf pour les visites touristiques guidées qui s'achèvent généralement avec le coucher du soleil. Des visites conditionnées qui exigent de la part des touristes des tenues respectables et des prises de vue qui excluent les femmes mozabites. Au ksar de Ghardaïa, relié au grand marché par des ruelles étroites fractionnées de petits commerces, une atmosphère particulière surprend les touristes. Des maisons aux petites fenêtres collées les unes aux autres, des quartiers séparés par de simples arcades et des passages qui se délient en labyrinthe. La cité, à l'image des autres ksour, semble ramassée sur elle-même. Intime, réconfortante, dégageant un sentiment de chaleur auquel... seuls les habitants ont droit. Les visiteurs, eux, n'ont qu'un petit aperçu de cette « intimité », et le mystère des ksour reste entier. Une carapace que la modernité, et ses aléas, tente de percer, sans grand succès bien qu'elle ait réussi à laisser des traces sur son aspect extérieur. A El Atteuf, par exemple, ou encore à Béni Izguen, les anciennes pierres sont remplacées, dans certains endroits, par des briques, et l'argile rouge, par du ciment. Ce melting-pot « d'architectures » ne flatte guère les ksour ! Le mariage entre les anciens matériaux de construction et les modernes n'est pas des plus réussis. Pourtant, l'Unesco a dégagé des fonds importants pour la restauration des ksour qui, vu leur âge, sont quand même en bon état, et qui plus est, sont habités. Les vieux ksour n'échappent pas non plus à ce phénomène qui frappe toutes les cités du pays : les ordures qui jonchent le sol ici et là dans ces vieux ksour semblent d'ailleurs tout à fait déplacées dans un environnement dénué de tout artifice. Surtout à Béni Izguen connu pour être le ksar le mieux conservé, dans son architecture mais aussi par rapport aux traditions. Il est célèbre aussi par son marché situé juste à son entrée. De dimension modeste au début, il connut, au fil des siècles, une extension importante. La vente à la criée, l'une des traditions du ksar, subsiste toujours, créant une animation très particulière. Surtout que les vendeurs, ainsi que tous ses habitants sont vêtus de leur fameux « saroual » bouffant, leurs gilets et capes en laine. Les femmes ne sont pas en reste, toutes de blanc vêtues. Des silhouettes discrètes, furtives mais dont la tenue claire attire immanquablement les regards curieux. Du marché, plusieurs ouvertures mènent vers les différents quartiers dont celui qui conduit vers « Bordj Boulila », le point le plus haut du ksar. Dans chaque quartier, un puits est installé sous l'ombre d'un fidèle palmier. Aussi vieux que le ksar lui-même, les puits remplis pourtant d'eau font office, aujourd'hui, plus d'éléments de décor que de sources. Il faut dire qu'avec les nouvelles conduites d'eau potable, les habitants n'ont plus besoin de l'ancienne méthode. Mais cela a quand même un prix. Les conduites qui sillonnent les murs des maisons transgressent l'harmonie architecturale. LES THERMES APRÈS LES DUNES Après l'exploration des quartiers et ruelles, il est bon de faire une pause ! « Bordj Boulila », l'ancien antre des sentinelles, semble le plus indiqué pour un repos bien mérité. Le temps d'admirer, du haut de son sommet, les courbes arrondies de la vieille cité mais surtout le mouvement rapide de la boule de feu derrière la palmeraie de Béni Izguen, dont les rayons rendent, l'espace d'un instant, leur brillance aux feuillages verts. Au-delà se dressent les dunes dorées qui vont jusqu'à la Saoura. Un autre paysage, une autre œuvre d'art, signée par Dame nature, à explorer. Mais au retour, un petit crochet par Zelfana, connue pour ses eaux thermales bienfaisantes. Histoire de chasser les grains de sable persistants tout en soulageant les muscles éprouvés, sous un jet chaud riche en minerais. Cependant, les « obsédés » de la propreté risquent de ne pas trouver leur « bonheur » dans ces stations. Les installations, très sommaires, ne sont pas particulièrement luisantes. N'empêche que ses eaux attirent des familles entières en provenance des différentes wilayas du pays. Surtout que, sur le plan sécuritaire, la région semble plutôt tranquille même si, parfois, des communes sont secouées par des émeutes. Des éclats qui, selon certains, sont occasionnels survenant surtout à l'approche de certains événements politiques. Néanmoins, le nombre de touristes étrangers a considérablement chuté ces dernières années. 1761 touristes étrangers en 2011 contre 13.554 en 2010. Les agences de voyage locales évoquent les événements liés à la sécurité aux frontières sud du pays qui n'ont pas l'air, cependant, de beaucoup toucher les touristes nationaux. 60.736 touristes nationaux en 2011 contre 50.621 en 2010. Mieux, en certaines occasions, en haute saison touristique, Ghardaïa affiche complet. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que les touristes sont trop nombreux. Mais juste que la wilaya souffre d'un déficit en matière d'infrastructures hôtelières. D'où la volonté des agences de voyages d'enrichir leurs actifs en matière de maisons d'hôte. Des « gîtes » idéaux pour s'oublier, se défaire des artifices quotidiens tout en ayant une petite pensée pour ceux qui ont vécu sur les mêmes lieux, il y a un millier d'années de cela.