Un paysage d'une beauté fascinante, une oasis dense où s'élèvent fièrement, à l'assaut du ciel, des palmiers centenaires irrigués par un système hydraulique traditionnel. Une architecture prodigieuse et des coutumes enracinées depuis des siècles. Ghardaïa est tout simplement saisissante… “Ghardaïa est classée site touristique par l'Unesco comme patrimoine mondial en1982”, commence par expliquer le guide du groupe de touristes américains venus découvrir l'une des plus anciennes villes du Sud algérien. “Elle fut fondée par les Mozabites il y a plus de mille ans pour abriter leur communauté après la chute de l'Etat rostémide. Situé à 500 kilomètres au sud d'Alger, le village fut implanté au beau milieu d'un désert rocailleux. Les autres villes mozabites datant de cette époque sont El-Atteuf, Melika, Bounoura et Beni Izguène”, continue-t-il, laissant le soin à Sofiane de faire la traduction en anglais. Responsable d'une agence de voyages et de tourisme, Sofiane Boukert se met également dans la peau du guide avec une aisance inouïe. “Je dois avouer qu'il existe un manque flagrant dans le corps des guides professionnels. On s'arrange comme on peut, mais il y a lieu de remédier à la situation. Les groupes à Ghardaïa se succèdent et la demande est de plus en plus importante”, a-t-il affirmé, déplorant à l'occasion tous les obstacles qui entravent l'essor de cette activité génératrice de richesses et de postes d'emploi pour la région. C'est le moins que l'on puisse dire, à tel point qu'il ne nous a même pas été possible de prendre un café au lait à l'hôtel El-Djanoub, le plus grand établissement hôtelier de la ville et de la région. “Nous n'avons pas de lait”, nous dit-on, comme si c'était l'évidence même. Bien entendu, pour les étrangers qui veulent prendre de l'alcool vu qu'ils sont dans le cadre d'un séjour de détente, il ne fallait surtout pas s'y aventurer tant l'endroit est très mal fréquenté. “Rien ni personne ne gâchera notre séjour”, s'écrient Radya, l'une des touristes algériennes, et son amie Sarah, ainsi que Hamdi qui faisaient partie du groupe qui comptait également deux Français. Les professionnels du domaine étant conscients de ces lacunes tentent de contourner l'obstacle de ce manque d'infrastructures par des initiatives privées. L'agence de voyages s'est associée à un autochtone du nom de Toufik (commerce familial), possédant une palmeraie aménagée pour recevoir des touristes. Un véritable joyeux qui reflète les spécificités de la région et fait ressortir son authenticité. Toufik est fier de sa ville, de son histoire qu'il raconte avec passion et témoigne de sa gratitude de cette terre nourricière à travers ce projet touristique dont il confie les rênes, à présent, à son fils Nabil qui cultive tant de respects aux aïeux. C'est le propre d'un Mozabite… Style architectural unique pour cette ville aux mille minarets Les Mozabites sont d'origine berbère et parlent le mozabite qui se ressemble beaucoup au chaoui et un peu moins au kabyle, targui et chelhi. En effet, dans l'histoire de la doctrine ibadite, après avoir été effectivement pourchassés d'Irak, les détenteurs de cette pratique musulmane (qui sont de diverses origines : arabe, perse... ) ont trouvé refuge chez les populations berbères de l'Afrique du Nord, en Libye (Djabel Nafoussa), Tunisie (Djerba) et Algérie (Tiherte, actuelle Tiaret). Dans cette dernière, ils ont fondé l'Etat rostomide (1er Etat algérien indépendant) dont les Mozabites étaient parmi les fondateurs. Ensuite, cet Etat, après avoir duré plusieurs siècles, fut envahi par les tribus arabes des Banou Hilal (venus d'Egypte), et fut détruit. Donc, les Mozabites détenteurs de la doctrine ibadite se sont exilés à Sedrata (Ouargla), puis dans la vallée de M'zab où ils ont construis les villes (ksour) en partant d'E-Atef (Tadjninte) et terminant par Berriane (At Ibergane). C'est là la succession historique de l'arrivée de la doctrine ibadite en Algérie ; et il faut préciser que les Mozabites sont des berbères qui pratiquent cette doctrine musulmane venue de l'Est. Une discrète communauté installée là depuis dix siècles. Cette communauté forme, au milieu des populations du Sahara, une nation bien à part réputée pour la sévérité de ses mœurs et une grande culture du secret. On les surnomme “les puritains du désert”. Personne ne fume… ni ne boit. Ces musulmans schismatiques suivent la doctrine ibadite née au VIIe siècle d'un différend concernant la succession du Prophète Mohammed (QSSSL). Ils sont aujourd'hui près de 300 000 disséminés dans toute l'Algérie et au-delà. Mais le cœur des Mozabites est à Ghardaïa. Ces mystérieux gardiens de la “porte du désert” règnent en maîtres absolus sur le M'zab qu'ils ont su rendre attractif, riche et prospère. Visite de Beni Izguène et pique-nique au pied d'une dune : les Américains sous le charme de Sebseb La visite de Beni Izguène figure en bonne place dans le programme concocté par l'agencier Sofiane et ses associés. Cette cité où le temps paraît comme suspendu incarne parfaitement cette virtuosité architecturale qui fait tant la réputation internationale de Ghardaïa. Représentant l'une des cités de Ghardaïa, sa dénomination vient du fait que les premiers habitants de cette cité étaient les ouled Annan, dont l'un de leurs ancêtres s'appelait Izguène. Beni Izguène a gardé jusqu'à nos jours son aspect architectural initial. Il faut dire à son sujet que c'est la cité la plus conservatrice de la vallée. Le ksar de Beni Izguène comporte quatre portes principales et des portes secondaires dites khardjate. Il est entouré de tous les côtés d'un mur d'enceinte avec des bordjs à différents endroits. Les maisons du ksar sont édifiées de façon à permettre à chaque foyer de recevoir les rayons du soleil, sans que cela gêne le voisinage. S'en est suivie la visite du souk, où le berrah, un vendeur à la criée, en plus de la vente aux enchères qui se pratique telle une vrai bourse à l'ancienne. Cela ne manque pas d'amuser les touristes qui ont emporté des souvenirs plein la tête et des produits artisanaux plein les valises, au grand bonheur de nos artisanaux. Les Américains autant que les Français et les Algériens eux-mêmes (venus du Nord) étaient très attentifs aux explications des guides et ne manquaient pas de poser beaucoup de questions immortalisant ces instants précieux avec de nombreux clics de leurs appareils photos. Le pique-nique organisé a Sebseb, au pied d'une magnifique dune de sable, a permis, inéluctablement, à tout le groupe de savourer un moment de détente et de contemplation… un moment d'évasion qui n'a pas de prix.