C'est, entre autres questions, à cette principale interrogation que devait répondre le colloque sur l'onomastique qui a été organisé du 20 au 21 février dernier à l'auditorium du CRASC d'Oran. Les intervenants se sont penchés longuement sur cette lancinante problématique. Selon M. Brahim Atoui, chercheur au CRASC/RASYD, qui a donné une conférence sur la « toponymie algérienne, 50 ans après l'indépendance... » La question mérite une longue réponse. Pour lui, en effet, « les noms des lieux ou toponymes, constituent un élément important de la compréhension de l'espace. Ils reflètent, en tout cas, l'histoire et la culture d'un pays, d'une société ou d'une population donnée, car ils interviennent dans l'identification des espaces et des lieux. Ils sont porteurs de messages, culturel, historique, sociologique, politique... Pour cela, leur sauvegarde est essentielle ». Pour ce chercheur qui a plongé dans trois périodes différentes de la toponymie algérienne — ère précoloniale, coloniale et post-indépendance —, toutes ces périodes richement vécues ont participé « seulement à construire une politique d'effacement qui se voulait de dénomination. D'où la présence de nombreux dysfonctionnements pour ce qui est des graphes et des écritures ainsi que de l'orthographe, de la transcription, de la translittération et enfin de la normalisation nationale et internationale ». La question reste, donc, posée et des aberrations telles que Rusicade-Soukaikida, Philippeville et enfin Skikda demeurent. Même cas pour Hippone-Annaba-Bône... Pour Mme Ouerdia Yermeche, la vraie question est : « peut-on parler de recherches onomastiques en Algérie ? ». Et de donner sa réponse cinglante : « Cette science est quasiment ignorée des institutions et aucun enseignement n'est prodigué dans les cursus universitaires, à l'exception d'un séminaire à Tizi Uzu, depuis 2011 ». Pour sa part, M. Tilmatine Mohand (université espagnole de Cadix) a proposé une réflexion sur une pratique non officielle d'« amazighisation » et de normalisation des noms géographiques de la région de Kabylie, à travers Google Maps. Un travail ardu, documenté, mais qui a prêché par le foisonnement des exemples donnés. C'est-à-dire qu'il a reflété le cadre exact des noms de lieux en Algérie et le « pousse-moi que je m'y mette » qui le caractérise : transcription phonétique en arabe des noms des lieux, aberrations, inventions échevelées, telles que, par exemple, Mechtras qui devient « Mechta Erras » (le peigne de la tête) sous, on ne sait, quel cerveau mal inspiré !... A la fin, il s'avère que l'Algérie nage en plein cirage et qu'il lui reste beaucoup à faire pour réhabiliter sa personnalité et son identité. Mais encore faudra-t-il commencer par un aménagement linguistique à l'intérieur de la langue berbère avant de prétendre à mieux. Bref... Le colloque a, à travers ses nombreuses communications, démontré que si depuis l'indépendance, beaucoup d'efforts ont été accomplis pour mettre en place des systèmes de dénomination nationale intégrée, beaucoup de ces actions ont été faites en réaction, surtout, à une large entreprise historique de déstructuration et de structuration des modes de nominations traditionnelles algérienne et maghrébine menée par l'armée et l'administration coloniale... entre autres. Parmi les principales recommandations auxquelles a donné lieu le colloque, l'établissement d'un bilan national des noms des lieux et des prénoms de personnes, la mise à niveau des institutions nationales chargées de la toponymie en fonction des dernières dispositions en matière de législation nationale et internationale et enfin d'aller rapidement vers la création d'une société savante appelée « société algérienne d'onomastique ». A noter que, du fait de l'inexistence d'un fichier national des prénoms, rendu aléatoire par l'absence d'une base toponymique berbère, des centaines de noms demeurent encore sans prénoms à Tizi Uzu.