Des « thowars », organisés au sein des la fameuse AlS (Armée libre syrienne) élisant domicile dans la base aérienne de l'Otan, à Incirlic (Turquie), ou des « djihadistes » battant le pavillon de l'Internationale terroriste ? Il est unanimement admis que l'alibi du « soulèvement pacifique », brandi par les Occidentaux pour légitimer une intervention militaire mise en échec par les Russes et les Chinois, ne fait plus recette. Tout juste si, en février 2011, les manifestations légitimes des paysans syriens, révoltés par les années de disette générée par la terrible crise qui a durement frappé la campagne confrontée à la pire sécheresse jamais connue, n'ont fait le lit de la militarisation accentuée de la crise syrienne et, ensuite, de la présence rédemptrice et non moins hégémonique des mouvements liés à El Qaïda. Le feu a couvé dans un mouvement de protestation paysanne pour être pris à bras-le-corps par les professionnels du « chaos constructif » rêvant, à des fins stratégiques, de briser un axe majeur de la résistance à l'hégémonie américano-sioniste. Sous le label du « printemps arabe », raillé par l'intellectuel syrien Saïd Hilal Alcharifi évoquant le « printemps otanien », la grande farce de la démocratisation n'a pas longtemps tenu. Deux arguments massues : en dépit du matraquage systématique de certaines chaînes arabes et occidentales, versées dans la désinformation et la manipulation des faits, le front interne n'a pas cédé. La grande majorité du peuple syrien n'a pas rallié la rébellion. L'armée, ciblée par une opération de désertions sans lendemain, a préservé son unité de commandement et ses capacités de combat contre la horde des « combattants » et des « djihadistes » lâchés contre Damas. Plus personne ne doute de la réalité terroriste, dénoncée vainement par la Syrie et son allié russe. L'ancienne secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, et son successeur John Kerry l'ont en définitive admise. Le risque de la dérive « djihadiste » inquiète énormément et justifie le refus de Washington de contribuer à un armement de l'opposition de crainte de voir les mouvements extrémistes, à l'image d'Ennosra placée dans la liste noire des « organisations terroristes », profiter de la manne inespérée. « De nombreux pays font de l'entraînement », a reconnu Kerry dans une interview accordée, mercredi 6 mars 2013, à la chaîne Fox News, à l'issue de sa visite à El Qatar, répétant à l'envi son souhait de voir ces armes envoyées par ses alliés dans la région entre les mains des « modérés ». Une lubie : la prise de la ville de Raqa, à la frontière turque, par Al Nosra. En fait, la thèse du « complot occidental » et de la guerre impériale, défendue par le journaliste Thierry Meyssan, prend toute sa signification dans un remake de la « révolte arabe » de la domination coloniale revue et corrigée dans ce « printemps arabe, de Lawrence d'Arabie à Bernard-Henry Levy » des temps impériaux, développé par Hassan Hamade et Georges Rahme dans une série d'émissions diffusées par la station libanaise Nour TV. Présent sur le terrain, Meyssan a traité, dans de menus détails, la stratégie de déstabilisation et d'affaiblissement de l'Etat syrien voué, par de l'objectif proclamé de renversement du régime de Bachar El Assad, au même destin de la balkanisation vécue par l'Irak. Dans une opération, baptisée « Volcan de Damas et séisme de Syrie », l'assaut est ainsi lancé par les 7.000 combattants affluant de toutes parts, des frontières méridionales, orientales et occidentales pour former l'embryon de l'ALS, placé sous commandement turc, et le contingent de l'Internationale terroriste, soutenue, armée et financée par les alliés régionaux. Dans ce qu'il appelle la « bataille de Damas » initiatique, au demeurant perdue, le processus de destruction a usé de tous les moyens pour mettre à genoux un pays coupable de résistance : des attaques visant les policiers et les soldats, des attentats commis contre les institutions nationales dont la plus significative reste le coup sévère porté contre le siège du Conseil de sécurité national soufflé par une bombe, la décapitation de l'appareil sécuritaire et militaire, le sabotage de l'économie (destruction des infrastructures et incendie des grandes usines), la constitution de « bases fixes » mues en « territoires libérés », comme cela a été présenté pour le cas du fantomatique Emirat islamique de Baba Amr ou récemment la province de Raqa. Le terrorisme a durement sévi dans ses formes les plus hideuses : les attentats à la voiture piégée dans des sites fréquentés par des citoyens, l'assassinat des personnalités religieuses, politiques, médiatiques et militaires, le recours au déraillement des trains de passagers... Mais, dans cet ordre de la terreur, le fait marquant relevé par tous les observateurs reste l'islamisation croissante de la rébellion passée aux mains des djihadistes dont il est difficile, selon Elizabeth 0'Bagy, auteur pour l'Institute for Study Of War (ISW) d'un rapport sur le « djihad en Syrie », d'établir un distingo entre « les islamistes modérés et les salafistes-djihadistes » unis dans le projet d'instauration d'un « Etat islamique juste » publiquement proclamé. La subordination de l'ALS n'est plus une vue de l'esprit tant la mainmise complète du Front Al Nosra, devenu le fer de lance et présent activement sur toutes les lignes du front, n'est plus contestée. Elle atteste de la réalité de la mouvance djihadiste qui regroupe la pléthore de volontaires issue des « printemps arabes », de combattants étrangers, à la noria de groupes structurant les « katibas » opérant d'une région à une autre : Souqour al-Sham (Faucons de Damas), Liwa al-Islam (Brigade de l'Islam), Ahrar al-Sham (les hommes libres de Damas), Katibat al-Ansar (bataillon des premiers combattants de l'Islam). Exit, donc, la mythique ALS travaillant en sous main. Peu connu avant la révolte, le Front Al Nosra a ses faits de guerre qui portent la « signature d'El Qaïda » : le double attentat du 10 mai 2012 commis à Damas (55 morts), l'attaque de la base Cheikh Souleimen, considérée comme la place forte de l'armée à 12 km du nord-est d'Alep et revendiquée comme une « victoire d'Al Nosra et des groupes qui lui sont liés », la prise de Raqa. La montée en puissance d'El Nosra, jugé comme étant l'émanation d'El Qaïda en Irak, a signé la dérive djihadiste appréhendée par les Occidentaux portant cette organisation et Ahrar El Sham sur la « liste noire » et exclus de fait du nouveau commandement unifié en gestation. L'alerte au terrorisme est donc donnée. Il ne s'agit plus d'une « création des services de sécurité syriens », accusés de tous les maux, mais bel et bien de combattants de tous bords (Occidentaux, militants des « printemps arabes », originaires de pays voisins) mettant à feu et à sang un pays en légitime défense. La vérité sur le nouvel eldorado du Djihad international a fini par éclater.