Aux premières heures de samedi, la bataille d'Alep a été engagée par l'armée syrienne. Depuis, les combats font rage, jugés comme les plus violents et les plus meurtriers depuis le déclenchement des événements de Syrie. Pour le régime, il s'agit d'"une opération délicate (...) pour éradiquer le terrorisme, faire régner l'autorité et la loi et libérer les Alépins des terroristes envoyés de différentes régions du monde pour faire tomber l'état, semer le chaos et tuer le plus possible de Syriens". C'est, en tout cas, ce qu'on pouvait lire sur l'une des dernières éditions du quotidien syrien officiel “El Watan". Ces "terroristes envoyés de différentes régions du monde", ce sont les djihadistes, musulmans sunnites extrémistes affiliés ou non à l'organisation terroriste Al-Qaïda. S'agissant du point de vue du régime de Damas, on pourrait le mettre en doute, encore une fois, comme cela a été le cas depuis le début. Mais il se trouve que les faits sont désormais établis, que le djihadisme international est réellement à l'œuvre en Syrie et que les rebelles syriens eux-mêmes reconnaissent leur présence même s'ils prétendent qu'il n'y a aucune coordination avec eux et leur dénient un rôle dans la rébellion. Les rebelles syriens affirment verser leur sang pour faire tomber le régime despotique de Damas, tandis que les djihadistes étrangers disent vouloir éliminer du pouvoir les Alaouites qu'ils considèrent comme apostats. Au total, si les motivations sont nuancées, la cible reste la même. La jonction s'établit donc de fait sur le terrain des combats, même s'il n'y a pas d'accord formalisé entre les deux parties. Les djihadistes, qui continuent d'affluer, sont en nombre important et viennent des pays du Maghreb, d'égypte, d'Irak, de Turquie, d'Arabie Saoudite, des émirats arabes unis, du Liban, de Jordanie, mais aussi de France, de Somalie, du Pakistan, de la Tchétchénie et même d'Ukraine. Des filières de recrutement sont en place et de nombreux sites électroniques appellent des islamistes à rejoindre la rébellion syrienne. "Je n'oublie pas que nous devons être aux côtés de nos frères dans notre Syrie bien-aimée", a ainsi déclaré celui qui se présente comme l'émir de l'"état islamique d'Irak", une branche d'Al-Qaïda. Le groupe libanais Fatah al-Islam, lui aussi affilié à Al-Qaïda, a revendiqué un attentat dans une province d'Alep à travers une déclaration présentant les Alaouites comme des "hérétiques chiites". Le chef de cette organisation, Abdel Ghani Jawhar, a d'ailleurs été abattu en Syrie en avril dernier. Un autre groupe, Ansar al-Cham, s'est félicité de ce que "des jeunes Arabes (sont) prêts à rejoindre les révolutionnaires et les combattants", ajoutant que "personne n'a le droit de critiquer le fait que la Syrie soit devenue un terrain pour le djihad international", avant de menacer de frapper "à travers le monde". Autant dire qu'Al-Qaïda et les organisations djihadistes similaires étendent leurs tentacules sur le territoire syrien, tout particulièrement dans le nord du pays. Quels que soient les travers du régime syrien, personne ne peut désormais feindre d'ignorer la menace djihadiste en Syrie, en affirmant qu'il s'agit d'un simple prétexte de Damas pour crier au complot international. Les puissances occidentales, mais aussi l'ONU, ne peuvent désormais ignorer cette réalité que toute nouvelle approche de la crise syrienne doit intégrer. Paris, Londres et Washington, à l'avant-garde dans le processus des bouleversements du monde arabe, en dépit de leur puissance, risquent de perdre toute crédibilité aux yeux des populations de ces pays livrés les uns après les autres au chaos. Ils devraient, au minimum, interroger leurs alliés saoudiens et qataris sur leur rôle et leurs véritables desseins. Car, comme le soulignait un prêtre syrien dans une lettre ouverte au président français François Hollande, "ces tragiques politiques occidentales (...) sont pratiquées sans honte et sans vergogne, sous couvert de tous les mensonges, de toutes les duplicités, de toutes les lâchetés, de toutes les contorsions aux lois et conventions internationales". M.A B