Siwa est une légende. Si éloignée et si séparée du monde, elle a su préserver, jalousement, pendant des millénaires, son originalité, sa spécificité et son identité. C'est le miracle de l'oralité. L'origine des habitants de Siwa est à la fois étonnante et mystérieuse. Cette histoire remonte à des millénaires, presque trois mille ans. Les tribus de Siwa ne sont en effet que des descendants des habitants berbères d'Afrique du Nord. Partis des montagnes de l'Atlas et de la rive centrale de la Méditerranée, ces habitants berbères sont allés conquérir d'autres territoires vers l'est de l'Afrique. Ils avaient, à leur tête, le célèbre et illustre roi Chachnak. Ce conquérant, à la bravoure et à l'audace exemplaires, a atteint les rives du Nil avec de vaillants Berbères prêts à l'épauler et à le soutenir jusqu'au dernier souffle. Leur armée a réussi à vaincre l'indomptable pharaon de l'époque mettant sur son trône le roi Chachnak. C'était il y a 2.800 ans, date du 1er jour du calendrier berbère. Depuis cet événement d'ailleurs, tous les Berbères du monde fêtent chaque année Yennayer, fixé au 12 janvier de chaque année. Siwa a donc contribué à écrire l'histoire lointaine de la civilisation amazighe. Cette communauté berbère a en effet régné en maître dans ce territoire des pharaons sous le roi Chachnak. Malheureusement, les autochtones se soulevèrent et mirent fin à ce règne. Les Amazighes, ne pouvant plus vivre dans ces nouvelles conditions, ont préféré s'exiler dans un lointain territoire comme le feront plus tard les Amazighs chassés de l'Andalousie et qui ont pris pour site la région de Ghardaïa perdue dans le désert. Les Berbères d'Egypte ont, ainsi, afin de pouvoir conserver leur tradition, leur patrimoine, leur coutume ancestrales, en un mot leur identité, préféré se fixer très loin de leur adversaire et persécuteur. Ces Amazighes d'Egypte ont donc élu domicile dans des oasis isolées, loin des villes et de la civilisation urbaine, comme les Amazighs d'Afrique du Nord suivant la même voie en fuyant les plaines pour s'implanter dans les montagnes, assurant la continuité de leur civilisation tout en garantissant les moyens de défense. Les Amazighs d'Egypte n'avaient pas ces montagnes. Ils ont trouvé la sécurité dans les endroits isolés et inaccessibles du désert. Ils se sont fixés dans une suite d'oasis dont Siwa en est la principale. Ils revendiquent leurs origines du centre de l'Afrique du Nord en disant qu'ils sont des Chaouis et leur appellation de Siwa n'a donc pour source que les noms des tribus chawiya de nos montagnes des Aurès. Il est miraculeux de constater comment ces habitants de Siwa d'expression amazighe ont su conserver, entretenir et cultiver leur civilisation d'expression amazighe pendant des dizaines de siècles, atteignant presque trois millénaires. Ils parlent le tamazight authentique, transmis par la seule oralité de génération en génération. Jaloux de leur patrimoine, ils l'ont défendu avec toute leur énergie, malgré l'isolement et l'adversité. C'est d'ailleurs grâce à l'isolement de l'oasis Siwa que les habitants ont su garder leurs origines amazighes loin des influences et des tentatives d'uniformatisation de la civilisation majoritaire du pays. Aujourd'hui, les habitants de Siwa parlent leur langue de toujours. Ils la garderont pour l'éternité, préférant, pour la conserver, la vie pénible rurale qu'offre l'existence dans les oasis. Au temps de l'autocratie en Egypte, ces habitants de Siwa n'osaient guère établir des liens avec les pays amazighs d'Afrique du Nord ou du reste du monde. C'était par peur de représailles des autorités. Aujourd'hui, avec l'ère de la démocratie qui voit le jour, les Amazighs de Siwa s'expriment sans contrainte, en témoignent les documentaires sur leur vie qu'ils viennent de présenter à cette 13e édition du festival du film amazigh. Ces reportages sont un pur reflet de cette longévité extraordinaire de l'expression amazighe survivant depuis la nuit des temps. Ces documentaires ont été découverts avec émotion et fierté par le public du festival. Cette découverte sensationnelle et tellement inattendue aura surpris d'une manière très positive le public et les participants à ce grand rendez-vous du cinéma amazigh. C'est d'ailleurs la vocation de ce festival de faire vivre à chaque édition un volet inédit, spécifiquement de la civilisation d'expression amazighe. Pour cette 13e édition, la participation de l'oasis amazighe de Siwa est une réussite totale. Samira Sidhoum