Pour étudier la question sous ses différentes facettes et approches, trois invités ont été conviés, en l'occurrence Abderahmane Arar, président du réseau algérien pour la défense des droits de l'enfant (NADA), le Dr Hamid Krelifa, chercheur en sociologie de l'université de Ghardaïa, et le cheikh Mohamed Tikarouchine, imam de la mosquée Nour El Islam de la ville de Tipasa. Les trois hôtes du forum ont mis l'accent sur la gravité et les conséquences désastreuses de cet ignoble acte condamnable par la loi, la morale et la religion. « Un seul kidnapping d'enfant nécessite la mobilisation de toute une société », résume le président du réseau Nada. Pour sa part, le Dr Krelifa dira : « En sociologie, dès qu'un acte de ce type se répète et se produit dans différentes régions d'un pays, il devient de facto un phénomène. » Sur le plan historique, ce fait a toujours existé, seulement ce sont les raisons qui poussent les criminels qui changent. « Le Coran et la Sunna nous donnent des exemples clairs à ce propos. Le Prophète Youssef (que Dieu l'agrée) a été jeté dans un puits par ses frères. Zaid Ben Haritha, l'un des compagnons les plus proches de notre Messager (QSSSL), a été enlevé lorsqu'il était jeune puis vendu comme esclave », donne-t-il en exemple. Pour le président de Nada, la résurgence du kidnapping d'enfants est la conséquence directe des mutations profondes qu'a connues la société algérienne depuis la tragédie nationale. « Une frange d'enfants est en proie à de multiples risques dont son exploitation dans le milieu de la mendicité, la violence, les conflits familiaux, la violence sexuelle ainsi que la violation de ses droits élémentaires. Si la tragédie nationale a été pansée sur le plan politique, des efforts énormes qui demandent beaucoup de temps sont nécessaires pour éviter à notre société ses contrecoups », fait savoir ce dernier. Selon lui, la frange précaire dans la catégorie des enfants est en augmentation. « En dix ans, on se retrouve avec presque 30.000 enfants. On recense également 41.000 cas de divorce par an et 1.800 actes d'attouchement sur mineur, dont 30% relèvent de l'inceste. Dans le passé, le tissu social était solide, malheureusement on assiste actuellement dans des familles à des transferts de besoins et non plus de valeurs », illustre-t-il. Aussi, la prolifération de la délinquance et de la criminalité est un facteur non négligeable qui pousse au kidnapping d'enfants. La rupture des liens sociaux, un facteur aggravant « Si on prend les cas récents d'enlèvement, on se rend compte que parmi leurs auteurs figurent des repris de justice. Cela étant dit, la rupture des liens entre les différentes institutions de la société, à savoir la famille, l'école, la rue, la mosquée et l'université pour ne citer que ces exemples, a favorisé la violence envers les enfants. On se doit de colmater ces brèches et encadrer la rue de sorte à ce que l'enfant soit protégé là où il se trouve », préconise le Dr Krelifa. Avant que l'imam de Nour El Islam abonde dans le même sens : « Il faut qu'il y ait un travail de sensibilisation et agir avant que le drame se produise et non après. Chacun dans son domaine doit fournir des efforts pour sensibiliser les citoyens ». Pour le Dr Krelifa, de nombreuses études de recherche sur la société algérienne ont été réalisées dans l'université et peuvent servir de base pour comprendre le phénomène des violences, notamment celles subies par les enfants. Concernant le rétablissement de la peine de mort, le cheikh Mohamed Tikarouchine soutient que l'Islam est clair à ce propos : « Si une personne commet un assassinat et que toutes les preuves plaident en sa défaveur, elle s'expose à la peine capitale, sauf dans le cas où les parents de la victime lui pardonneraient et demanderaient réparation », éclaire-t-il. « Avant de rétablir la peine de mort, il faut d'abord lancer un large débat engageant tout le monde », observe le président de Nada. Quoi qu'il en soit, tous les intervenants insistent pour que la société et les pouvoirs publics agissent de concert et chacun dans son domaine pour lutter non seulement contre ce phénomène, mais aussi pour protéger l'enfant.