Dans la salle de dessin où Cheikh Ahmed donne ses cours deux fois par semaine, il y a plus de femmes que d'hommes. La parole posée, le regard serein et sérieux, cheikh Ahmed passe de rangée en rangée reprenant un trait, une courbe, efface une hachure. Face à ce calme apparent, Cheikh Ahmed devient sévère quand les bavardages prennent de l'ampleur et que cela perturbe l'atelier de travail. Les apprenants ont tissé des liens amicaux avec leur maître qui, pour la plupart d'entre eux, sont là depuis longtemps et ont commencé à exposer sous l'œil averti du maître qui les accompagne dans leur évolution artistique. « Dès les premiers instants on devine si l'élève a cette touche qui le fera évoluer dans le dessin et la peinture » explique-t-il. Né à Alger, plus précisément à Hussein-Dey, Ahmed Boukraa est devenu artiste preintre par don du ciel, selon la formule consacrée. « C'est inné en moi, jusqu'à avoir délaissé un peu mes études et me faire tirer les oreilles par mon père. Le dessin est plus qu'une passion... » Ahmed avoue tout de même que même son père, artisan, est doué de ce bienfait naturel qu'est la peinture. Alors que celui-ci travaillait, il s'échappait entre deux pauses, quelques instants, pour réaliser des tableaux, lui qui n'a jamais mis les pieds dans une école de dessin. « Les tableaux sont toujours à la maison », précise Ahmed. Lorsqu'il s'inscrit à la Société des Beaux arts, Cheikh Ahmed, dont le terme « Cheikh » est synonyme de « maître » et non pas un indice de vieillesse, d'emblée le professeur de l'époque M. Bousselah décèle son coup de crayon. Il est encouragé. Au bout de deux années, après le départ de Bousselah, on lui propose, face à la prépondérance de son travail, d'être le nouvel enseignant en dessin. Nous sommes en 2000. De fil en aiguille, Ahmed Boukraa s'est imposé d'une part par sa manière d'enseigner, d'autre part par ses toiles. Ses œuvres qu'il expose généralement au cours d'expositions collectives, ont été remarquées par une galeriste qui lui commande des toiles depuis quelques années. « Les tableaux les plus demandés sont ceux qui représentent la Casbah d'Alger, la vieille ville, les paysages ou sites de Ghardaïa ainsi que le Sahara ... » Dans son atelier qui se trouve dans la maison paternelle avec jardin, Ahmed Boukraa s'isole et travaille parfois toute la journée, « une réelle thérapie pour moi... » Portraitiste, aquarelliste pastelliste et paysagiste Ahmed maîtrise toutes les techniques qu'il inculque à ses élèves de tous âges « de 15 à 80 ans » indique-t-il pour montrer que les portes sont ouvertes à tout le monde et dans les deux genres. Un détail sur la structure, il y a certains étudiants de l'Ecole des Beaux Arts qui viennent à la Société des Beaux arts pour affiner leur coup de crayon, c'est dire que la Société des Beaux arts, aujourd'hui dirigée par Mustapha Benkahla, a donné de grands peintres à l'exemple de Aicha Haddad.