La mauvaise prise en charge du malade, l'absence de prévention primaire et le stress engendré par les facteurs socio-économiques ont conduit à cette dégradation de la santé publique », a constaté le conférencier. Selon lui, la politique préventive en matière de santé connaît une grave régression. « Le relâchement actuel des activités de prévention et les pénuries fréquentes de vaccins risquent de faire perdre de précieux acquis de la santé publique », a prévenu le professeur. « Alors que tous les spécialistes nationaux ne cessent de recommander la prévention, aucun programme de prévention primaire n'a été mis en place », a-t-il regretté. Faute de veille sanitaire et de prévention primaire, dira-t-il, l'Algérie est passée de zone de transit de tabac et de drogue à pays de consommateurs. Selon lui, le monde s'attelle à lutter contre le tabagisme alors que plus du quart (soit 26%) des Algériens fument. L'hépatite C, signalée dans seulement 28 wilayas de l'est et du centre en 2001, s'est rapidement étendue, depuis 2007, à travers tout le pays. S'ajoutent à cela, deux cas de paludisme diagnostiqués à Ghardaïa en 2012, alors que plus du tiers de la population (plus de 25 ans) est atteint d'hypertension artérielle (HTA). Son option curative a débuté en 1986, avec la création de 13 CHU implantés au niveau de 10 wilayas, et qui consomment 30% du budget de la santé. « Les soins de santé primaire étaient exclus au niveau de ces structures », note M. Bengounia, ajoutant que la régression s'est accentuée à partir de 1988, avec la libération du secteur de la santé, et s'est aggravée en 1977, avec l'officialisation d'une activité complémentaire qui a permis le transfert informel des médecins du secteur public vers le secteur privé. « Le coup de grâce a été porté à la médecine préventive suite au décret exécutif n°07-140 du 19 mai 2007 portant création précipitée des EPH et EPSP, pratiquement livrés à eux-mêmes et qui connaissent d'énormes problèmes de gestion et de fonctionnement », a-t-il déploré. Et d'ajouter que « le programme national de prévention des infections liées à la pratique médicale (ILPM) a été abandonné après 18 mois d'application, en 2001, alors qu'il aurait pu limiter les contaminations hospitalières ». Selon M. Bengounia, ne pas disposer, en 2013, de suffisamment de moyens pour prendre en charge les cancéreux, est inadmissible. « C'est un véritable scandale », s'est-il écrié. Il a avancé que parmi les 39 800 nouveaux cas de cancéreux diagnostiqués en 2009, plus de 13 000 attendaient un traitement radio-thérapeutique. « Comment peut-on justifier le fait que nous sommes à seulement 181 dollars par habitant des dépenses totales de la santé, derrière la Tunisie avec 243 dollars ? », s'est-il interrogé. Selon lui, le secteur de la santé a bénéficié de plus de 50 milliards de dollars. « Cet argent n'est pas arrivé à destination », a-t-il dénoncé. Avec un taux de mortalité de 105 enfants de moins de 5 ans, un ratio de mortalité maternelle de 97 décès pour 100 000 naissances vivantes et un taux de mortalité de 105 adultes entre 15 et 60 ans pour 1000 habitants entre 1990 et 2009, l'Algérie possède le taux de mortalité le plus élevé et l'espérance de vie la moins longue au Maghreb en 2010. Quant à l'infection VIH/sida, la prévalence en Algérie est de 50 cas pour 100 000 habitants en 2009. Pour les maladies cardiovasculaires et le diabète, le taux de mortalité standardisé, entre 30 et 70 ans pour 100 000 habitants, est de 200 décès, 127 décédés suite à un cancer, 48 suite aux infections respiratoires chroniques et 591 toutes causes confondues. « C'est un échec total de notre politique curative », s'est désolé M. Bengounia. Pour rappel, le spécialiste avait recommandé, en 2002, l'instauration d'un bilan de santé systématique (BSS) dès l'âge de 30 ans, pour la détection précoce de toute pathologie. « Le projet est toujours en suspens », dira-t-il.