Une équipe nationale désormais connue pour son jeu flamboyant, deux clubs qualifiés pour les demi-finales de la Ligue des champions : le football allemand récolte les fruits de dix ans d'efforts dans le domaine de la formation. Tout a commencé avec les résultats médiocres de la Coupe du monde 1998 et de l'Euro 2000. La supériorité de l'équipe nationale ayant servi d'étalon pendant cinquante ans, il était bien temps de revoir les bases. « Une série de mesures, mises en application vers l'an 2000, ont payé », explique le manager de l'équipe d'Allemagne, Oliver Bierhoff. « L'attention s'est enfin portée sur la jeunesse et la promotion du talent. Le football allemand s'est rafraîchi, rajeuni, dynamisé et amélioré techniquement. » Bierhoff parle du vaste filet tendu par la Ligue (DFL), qui gère les deux premières divisions, la Fédération (DFB), les clubs, les fédérations des Länder et les responsables du football allemand. Une attention particulière a été accordée aux plus jeunes, la DFB mettant en place des unités mobiles d'entraînement pour aller dans les écoles distiller des conseils d'entraînement. « Chaque professionnel a commencé sa carrière dans un tout petit club », relève Christine Lehmann, de la DFB. « C'est là que sont posées les fondations du football ». Depuis 2002, une règle impose à chaque club de première et deuxième division de se doter d'un centre de formation. Plus de 700 millions d'euros ont été investis dans le développement de la jeunesse sur cette dizaine d'années. Résultat, plus de la moitié des joueurs de Bundesliga viennent d'un centre de formation. Parmi eux, les internationaux Marco Reus, Mesut Özil, Thomas Müller ou Mario Götze. Quelque 275 joueurs de Bundesliga sur 525 sortent d'un centre de formation, alors qu'il y a six ans, ils n'étaient qu'une centaine au total dans les deux premières divisions. « Pour la première fois, en 2011-2012, les clubs ont investi plus de 100 millions d'euros dans la formation », note Eckart Gutschmidt, directeur media de la DFL. Le contre-exemple Klose La solidité financière de la majorité des grands clubs a facilité le développement de la formation. Les clubs allemands sont financièrement en bonne santé. La dette totale cumulée des 36 clubs de Bundesliga et Bundesliga 2 n'atteint pas 750 millions d'euros quand elle culmine à 3,6 milliards d'euros pour les clubs pro espagnols. Une situation qui pourrait encore renforcer l'attrait du championnat allemand, au moment où l'UEFA de Michel Platini s'apprête à instaurer ses nouvelles règles sur le fair play financier. Curieusement, Miroslav Klose, qui est à une unité du record de 68 buts en sélection de Gerd Müller, illustre tout ce qui ne fonctionnait pas il y a 15 ans. Sa carrière internationale a débuté en 2001, sans expérience préalable en équipe de jeunes -plus jamais ça-, ont promis les responsables du football allemand. Le talent de Klose, 126 sélections au compteur, est passé inaperçu pendant des années. « Je ne pense pas qu'une carrière comme celle-là soit encore possible », avance Bierhoff. A la Coupe du monde 2010, l'Allemagne a aligné sa plus jeune équipe depuis 76 ans et 19 des 23 joueurs étaient issus d'un centre de formation. Ces dernières années, les clubs ont gagné en attractivité, les droits télés ont grandement augmenté et un stade allemand accueille en moyenne 42.000 spectateurs par match. En Europe, les équipes allemandes font leur grand retour avec le Bayern Munich, finaliste de deux des trois dernières éditions de la Ligue des champions, où le Borussia Dortmund, qui s'est lui aussi appuyé sur les joueurs maison. L'Allemagne a même commencé à exporter ses talents, Sami Khedira et Özil, venus de centres de formation, ayant rejoint le Real Madrid. Per Mertesacker et Lukas Podolski jouent, pour leur part, à Arsenal. « Il y a de plus en plus de jeunes joueurs qui percent », explique Robin Dutt, directeur sportif de la DFB. Ce talent s'exprime, en outre, dans un style bien éloigné de la rigueur industrieuse qui a longtemps fait la réputation du football germanique. En moyenne, on compte, par exemple, trois buts par rencontre de Bundesliga, la moyenne la plus forte d'Europe, qui explique aussi sans doute pourquoi les stades sont pleins (80.460 supporters de moyenne pour Dortmund, là aussi record d'Europe). Seul manque à l'Allemagne le trophée majeur qui lui échappe depuis l'Euro 1996. Pour la Coupe du monde au Brésil, l'an prochain, les jeunes auront pris de la graine.