Il en aura pris pour son grade, Carl Bildt, le ministre suédois des Affaires étrangères, venu à l'ouverture de ce forum prêcher la défense des libertés sur le net et dire que « la sécurité ne doit jamais être utilisée comme prétexte pour limiter la liberté : essayer de faire cela est contre-productif ». Manque de pot, comme le rapporte le site de l'hebdomadaire français www.lepoint.fr, au même moment, un commentateur du quotidien britannique Telegraph faisait remarquer que « les Suédois ont construit un régime de communications semi-orwellien grâce à une loi de 2009 autorisant la surveillance sauvage de tous les téléphones et échanges de données qui transitent sur les réseaux suédois ». Enfonçant un peu plus le clou, Jacob Appelbaum, militant actif du réseau indépendant Tor, épingle le ministre dont « le gouvernement a aggravé la situation avec une technologie d'espionnage extrêmement intrusive appelée DPI (Deep Packet Inspection) ». Pour réponse, le chef de la diplomatie suédoise essaie de rassurer que l'opération est « menée discrètement », donc, à ses yeux, sans « toucher à la liberté d'expression ». Il rajoute aussi que cela « est fait sous le contrôle du pouvoir judiciaire », sans pour autant convaincre beaucoup de monde, comme l'ont remarqué les journalistes venus couvrir ce forum. Cette rencontre a été mise à profit pour réactiver le débat sur les menaces qui pèsent sur la liberté des internautes et, pour certains, rappeler que « les ennemis de la liberté ne sont pas toujours ceux que l'on croit », comme l'a crié Ebele Okobi, directrice mondiale des droits de l'homme chez Yahoo !, cité sur le site www.lepoint.fr, ajoutant que l'on doit « arrêter de montrer systématiquement du doigt les "suspects habituels" pour se poser des questions plus larges. » Il est vrai que les cas les plus cités dans ce genre de forum ont souvent trait aux pratiques d'Etats, alors que les dernières actualités regorgent de nouvelles initiatives des géants du réseau internet, susceptibles de « donner froid dans le dos » pour paraphraser un titre de la presse spécialisé. Ainsi, comme le rapporte le site http://reviewer.lavoixdunord.fr le géant Google a déposé un brevet le 2 mai dernier qui suscite les pires craintes sur le respect de la vie privée des internautes. Il s'agit d'un système en mesure de vérifier en temps réel ce que l'internaute écrit dans ses échanges et de faire un rapide tour d'horizon pour déterminer si le contenu n'est pas contraire à la loi. Il est facile d'imaginer l'engouement des entreprises pour ce genre de système qui leur permettrait donc de contrôler ce que tapent leurs salariés sur les ordinateurs de la boîte. Plus que cela, si un contenu est susceptible de heurter une limite juridique, Google « vous en informera et vous proposera de le changer » explique le site. De là à envisager des actions de délation, il n'y a qu'un pas puisque, nous dit le journaliste, « une alerte pour "une tierce personne" pourra aussi être mis en place et préviendra alors votre patron que vous tapez des choses considérées comme illégales par exemple. » Cette incrustation dans la vie privée des internautes confirment les craintes de beaucoup d'observateurs et d'associations qui ne cessent de relever les limites d'atteinte à la vie privée, à chaque fois repoussées par les entreprises du net, parmi elles « Google dont la soif de data semble sans fin ». Mais pas seulement hélas, serait on tenté de dire si l'on regarde les autres nouvelles du « front » que nous envoie cette fois le géant du logiciel Microsoft qui vient également de se faire épingler pour son « intérêt poussé » pour les données personnelles des usagers de ses outils. A commencer par la messagerie Skype qui serait systématiquement surveillée par Microsoft « pour raisons de sécurité. » Et c'est sur le site du quotidien français www.lemondeinformatiqe.fr que l'on peut lire que « selon un site web et un chercheur allemand, la firme de Redmond surveillerait de manière régulière le contenu des messages Skype pour des raisons de sécurité » Le site cite des sources crédibles selon lesquelles « Microsoft analyserait de façon régulière le contenu des messages Skype pour des raisons de sécurité, à la recherche de fraudes éventuelles », évoquant par là même une vague de craintes suscitées du fait de ce que l'éditeur fait de ces informations, s'il les conserve indéfiniment ou s'il les détruit. » En réaction aux interrogations entourant cette pratique confirmée par le blog allemand spécialisé dans la sécurité Heise Security, James Blamey, un porte-parole du service de messagerie Skye a fini par lâcher dans un communiqué : « Skype effectue un balayage automatique des messages instantanés pour identifier les messages indésirables et repérer les adresses de sites web préalablement repérés comme sites de spam, sites frauduleux, ou liens de phishing ». Peu convaincu par l'argumentaire, elblog allemand revient à la charge et explique bien que « Microsoft laisse passer les pages en HTTP simple, pourtant plus risquées et ne scanne que les pages HTTPS généralement liées à des sites web sécurisés et non à des sites de spam. » Ces informations confirmées par d'autres sources fiables mettent à mal les arguments de Microsoft pourtant activement engagé dans une campagne « Scroogled » contre Google pour mettre à nu ses méthodes peu respectueuses de confidentialité des données, avec essentiellement le système de balayage du contenu des messages Gmail afin d'assurer un ciblage comportemental recherché par les annonceurs publicitaires. Tant et si bien que pour Ashkan Soltani expert indépendant en sécurité informatique installé à Washington, cité par le même site : « Ces récentes découvertes signifient que les utilisateurs de Skype ne peuvent plus raisonnablement compter sur la confidentialité de leurs conversations Skype et de leurs appels », ajoutant sur les colonnes du journal PC World « On pense que le message écrit à un destinataire n'est visible que de lui seul, mais ce n'est pas le cas ». Même s'il admet que Microsoft puisse « en surveiller une partie », il ne peut s'empêcher de s'interroger sur « ce que la firme américaine fait des données recueillies. » L'expert pousse son analyse plus loin en s'interrogeant sur le moment et la séquence de captation des données, reconnaissant que, peut être « la pente est glissante », et se demandant si, en surveillant les URL, Microsoft ne surveille pas autre chose. « S'ils surveillent les URL directement dans la fenêtre de chat, on peut se demander s'ils ne surveillent pas aussi autre chose ? Peuvent-ils par exemple enregistrer toutes les conversations ? Et si c'est le cas, Microsoft pourrait très bien être contraint par un gouvernement d'activer le contrôle d'un utilisateur soupçonné d'actes répréhensibles », s'est il interrogé, ajoutant néanmoins que « jusqu'à présent, nous n'avons pas la preuve que Microsoft ait cette capacité, mais c'est ce que suggère cette découverte ». Des associations acquises à la défense de la vie privée sur internet, telles l'Electronic Frontier Foundation et Reporters Sans Frontières se sont jointes au débat pour traduire de profondes inquiétudes quant au peu de transparence qui entoure l'utilisation de Skype. Une crainte exprimée, en ces termes, dans une lettre adressée à Skype et aux dirigeants de Microsoft : « Beaucoup d'utilisateurs font confiance à Skype pour passer des communications sécurisées - que ce soit des militants opérant sous des régimes autoritaires, des journalistes qui communiquent avec des sources sensibles, ou des utilisateurs qui souhaitent parler en privé, et en toute confiance, avec leurs associés, leurs familles ou leurs amis. » Un peu plus loin, elles pointent du doigt un « flou permanent et des engagements confus à propos de la confidentialité des conversations Skype et, en particulier, de l'accès possible des gouvernements et autres tierces parties aux données des utilisateurs et au contenu de leurs communications ».