Inscrite ces derrières années au rang de priorité, la dynamique de l'ouverture des données publiques vient de franchir une nouvelle cadence, sous l'impulsion, diront certains, des Etats-Unis pionniers en ce domaine. Réuni ce 18 juin en Irlande du Nord sous la présidence du Premier ministre britannique David Cameron, le G8 a formalisé son engagement public en faveur de l'open data à travers une charte vouée à entrer en application à l'horizon 2015. Pour rappel, lorsque l'on parle de l'open data, il s'agit, comme le souligne l'article dédié au thème de l'encyclopédie en ligne Wikipedia, d'une « donnée numérique, d'origine publique ou privée, publiée de manière structurée selon une méthodologie qui garantit son libre accès et sa réutilisation par tous, sans restriction technique, juridique ou financière. » L'ouverture des données est, d'après Wikipedia, « une philosophie visant à rendre des données numériques accessibles à tous et à s'affranchir des restrictions sur le droit d'accès et de réutilisation. Ces restrictions peuvent être imposées par l'usage de formats propriétaires ou de licences restrictives, notamment les licences payantes parfois mises en place sur des données publiques. L'ouverture vise à publier les données selon une méthodologie qui supprime les restrictions limitant notamment leur exploitation et leur reproduction. » L'open data a donc été au centre des préoccupations des Chefs d'Etat et de Gouvernement du G8, comprenant Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni, Allemagne, France, Italie, Canada et Russie. D'après le site d'information www.itespresso.fr, ils « ont défini les grandes orientations stratégiques de cette ouverture des données publiques entrevue comme un vecteur d'innovation pour l'économie et la société, au cœur des services numériques de demain. » Tout ce qui est prévu d'être mis en œuvre d'ici la fin de l'année en cours a été décrit dans « un guide de bonnes pratiques axé sur l'interopérabilité des jeux de données qui seront mis à disposition des acteurs du secteur privé. » Les données publiques visées par cette démarche peuvent concerner la météo, l'environnement, la santé, le logement, l'éducation, les transports, la criminalité : « l'open data, en tant que moteur de croissance économique, englobe un vaste domaine de connaissances », explique le site d'information. Selon le site d'information www.zdnet.fr, le document signé par le G8 prévoit que « chaque Etat membre du G8 développera un plan d'action d'ici à fin 2013, devant respecter les principes de la charte en mettant en œuvre les meilleures pratiques et les engagements collectifs détaillés dans son annexe technique d'ici à fin 2015. » D'abord, les patrons du G8 ont pris comme première résolution d'amener le secteur public à « ouvrir par défaut les données éligibles, sauf en cas de contrainte juridique. » Ils ont également eu le souci « d'en garantir la qualité et de les publier dans des formats ouverts, facilement interprétables par des systèmes informatiques. » Les gouvernements sont par ailleurs invités à davantage de transparence lorsqu'il s'agit de publier les données publiques et aussi à appuyer par des mesures tangibles « la création de valeur, pour relever des défis environnementaux, démographiques, industriels... ». Le site www.itespresso.fr se fait à l'occasion des propos de Nigel Shadbolt, qui préside l'Open Data Institute au Royaume-Uni, au quotidien britannique Telegraph, selon lesquels, « le périmètre de ces données publiques sera bénéfique pour l'information des citoyens [...], qui pourront connaître les taux d'infection dans les hôpitaux, les dépenses de l'Etat, etc. » La généralisation des politiques de l'open data revient en grande partie au volontarisme du gouvernement des Etats-Unis, « précurseurs, selon l'auteur du blog http://blog.administrationnumerique..., en matière d'ouverture des données publiques depuis l'ouverture il y a 4 ans de la plate-forme data.gov. Actuellement, le portail américain donne accès à quelque 400 000 jeux de données, publiés par 180 administrations, de façon volontaire. » Pour rajouter à la détermination du gouvernement américain d'aller de l'avant en matière de stratégie open data, « un décret présidentiel (Executive Order), publié le 9 mai, stipule, selon le même blog, que, par défaut, « les données générées par le gouvernement sont rendues disponibles dans des formats ouverts et peuvent être interprétées par les machines, tout en protégeant, lorsque c'est nécessaire, la sécurité, la confidentialité et la vie privée ». La stratégie affichée est de « pouvoir gérer l'information du gouvernement en tant que composant tout au long de son cycle de vie afin de favoriser l'ouverture et l'interopérabilité ». Durant la même période, l'Europe a également fait une avancée en matière d'open data par l'adoption d'une nouvelle directive consacrée à la réutilisation des informations publiques. Le site www.lagazettedescommunes.com s'en est fait l'écho en évoquant une « directive sur la réutilisation des informations du secteur public, qui apporte de réels progrès : affirmation d'un véritable droit à réutilisation des données du secteur public, obligation de transparence sur le calcul des redevances. » Dans les deux années à venir, les Etats membres doivent avoir transposé cette directive, de sorte à ce que son application soit effective d'ici à fin 2015. Parmi les nouveautés introduites par cette nouvelle directive, « l'obligation de transparence sur le calcul des redevances...le mode de calcul utilisé doit pouvoir être accessible sur demande. « Cette exigence de rendre les modes de tarification complètement transparents en amont, c'est-à-dire avant même qu'une demande de réutilisation soit soumise, pourrait avoir des conséquences intéressantes », explique Pierre Chrzanowski, pour le groupe français de l'Open Knowledge Foundation. Petite note de pessimisme devant cette « avancée » toujours selon le même site qui souligne que « le texte contient aussi son lot de déceptions : l'exception culturelle perdure ; le citoyen aura toujours autant de mal à faire valoir son droit à l'accès à l'information pour les données non libérées. » Chargé pour le compte du gouvernement français de l'aspect technique de la négociation du texte de cette charte du G8, Romain Lacombe, de la mission Etalab, du Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique, interviewé par le site www.pcinpact.com considère que « cette charte marque donc d'abord un engagement politique historique de la part des huit premières puissances mondiales en faveur de la transparence et de l'ouverture des données publiques ». Il situe l'impact de ce programme dans la consolidation de la transparence : « concrètement, cela veut dire plus de transparence pour chacun de nos 900 millions de concitoyens, mais aussi des comparaisons plus aisées entre les politiques publiques menées par nos gouvernements. Dans un contexte de crise mondiale, cette transparence accrue va nous tirer collectivement vers le haut. » Sur le site www.agoravox.fr, se fait entendre un autre son de cloche sur les obstacles qui freinent l'avancée de l'open data en France. « Les pouvoirs publics français font tout pour empêcher le droit des citoyens d'accéder aux données publiques de santé (open data). Ils sont de plus en plus isolés dans le monde. Pratiquement les derniers au monde », lit on sur ce site qui considère que dans ce pays, « l'open data fait peur, on tergiverse, la transparence gêne, on se serre les coudes corporatistes entre copains. Ailleurs dans le monde, aux Etats-Unis par exemple, l'open data en santé avance à grands pas. » Pour le rédacteur de l'article, c'est « pour masquer la défaillance de leur action, inutile de dire que les groupes de pression syndicaux de médecins y sont aussi peu favorables », que les pouvoirs publics lui paraissent « opposés à l'ouverture des données », arguant pour cela des lenteurs mises à ouvrir les fichiers de l'assurance maladie. « Les professionnels de santé disposent depuis 2007 d'un accès rien que pour eux aux données agrégées de l'assurance-maladie via l'Institut statistiques des professionnels de santé libéraux (ISPL) », y lit-on. Un peu plus loin, dans le même article, l'auteur évoque des « dizaines d'études, dont le grand public n'a jamais été informé, ont ainsi été réalisées par les médecins, pour les médecins. Le citoyen dans tout ça ? Il est prié de ne pas poser trop de questions. » A partir de là, le site tire sa conclusion : « Le débat sur l'open data en santé est bloqué par les lobbies syndicaux des professionnels de santé. » Un pessimisme qui trouve également appui dans le préambule du texte de la charte adoptée par le G8, où il est admis que « s'ils recueillent une multitude de données, les gouvernements et les entreprises ne les partagent pas toujours selon des modalités permettant au public de les découvrir, de les utiliser et de les comprendre facilement » Pour leur part, les Anglais semblent faire de plus grands progrès en matière de mise à disposition des données publiques. Ainsi, selon le journaliste du site www.pcinpact.com, « ces données ouvertes servent également aux journalistes pour des enquêtes et des analyses. Les données sont utilisées comme sources d'informations sur le fonctionnement des institutions publiques (http://wheredoesmymoneygo.org/) ». A partir de ces données, les journalistes ont toute latitude « d'établir une crimemapping, c'est-à-dire un plan établissant le taux de criminalité par quartier. » Si cette avancée est à saluer sous l'angle de la liberté de la presse et du droit du journaliste d'accéder à l'information, d'après le même site, cet usage semble néanmoins problématique dans « un pays où les caméras de surveillance sont légion. Le risque d'ostraciser un quartier ou une ville à cause de sa mauvaise réputation sur le Net est notamment un problème susceptible de remettre en cause l'utilisation des données ouvertes. » Inévitablement revient la question des limites mouvantes entre « démocratisation des données ou atteinte à la vie privée ? »