Qui n'a pas lu ou, du moins, parcouru quelques pages du roman « Le fils du pauvre » ? Ce classique de la littérature algérienne est le récit émouvant d'une enfance rude sous la colonisation. L'école apparaissait alors comme le seul rayon de lumière dans les ténèbres d'une longue nuit d'occupation. La misère des siens n'avait pas été un infranchissable obstacle pour le simple montagnard. Grâce à une volonté farouche, il est allé loin dans ses études et a élargi son horizon limité. « C'est la faim et la nudité des pieds qui m'ont instruit », chantera plus tard El Hadj El Anka. La vie est aussi une école. Il n'est pas nécéssaire de remonter loin dans le temps pour se souvenir des conditions dures qu'eurent à affronter, dans la vingtaine d'années qui ont suivi l'indépendance, les écoliers et lycéens algériens pour poursuivre leurs études. Le climat rigoureux, le manque de transport ou la pauvreté des familles n'ont nullement empêché toute une génération de s'instruire. L'encadrement de l'Algérie était constitué, en partie, de femmes et d'hommes issus de la campagne, qui ont du braver toutes sortes de manques et de contraintes. On remémore cette période en revoyant ces photos de bambins qui rejoignent l'école à dos d'âne. On en parle ou, plutôt, on s'apitoie comme s'il s'agissait d'une enfance damnée, sans avenir ni perspectives. De tels clichés sont exhibés comme si l'école dans notre pays ne souffrait pas davantage d'autres maux liés aux méthodes d'enseignement, au contenu des programmes. Bien sûr, le devoir et la responsabilité des pouvoirs publics sont d'assurer les conditions d'une bonne scolarité. Les écoliers d'aujourd'hui n'ont pas à parcourir des dizaines de kilomètres à pied, à s'entasser dans des bus poussifs pour rejoindre leurs classes, ou à grelotter durant les cours. Faut-il pour autant dire que le pays profond ressemble en tous points de vue à la ville ? L'écolier des Hauts Plateaux ou des Aurès n'aurait donc plus à musarder dans la nature, à vivre de ces aventures, voire de ces difficultés qui trempent la volonté et qui, plus tard, forgent le caractère. Si elle la favorise, l'opulence n'est nulle part la garantie d'une meilleure scolarité. Comme partout ailleurs dans le monde, l'école n'est plus la même. Une génération nourrie d'internet et gavée d'images, n'a plus le même rapport aux rythmes scolaires, à l'apprentissage. Qu'attendent les enfants et les parents de l'école ? Cette dernière est-elle encore la seule voie de promotion sociale ? La véritable interrogation sur la mission de l'école et ses éventuelles déficiences est là, plus qu'ailleurs.