Tout le monde éprouve du plaisir à regarder ces troupeaux dans les immeubles, occuper les escaliers au cœur de la cité. Les enfants en prime qui assistent en direct à des combats entre les bêtes. Et les parents aussi qui abdiquent face aux désirs de leur progéniture qui choisit tel ou tel mouton avec de grandes cornes, s'il vous plaît. Les parents s'exécutent dans la plupart des cas, alors que quelques jours nous séparent encore de la fête de l'Aïd. A l'occasion, des points de vente sont tenus un peu partout pour satisfaire la demande des Algérois. « Les prix ne sont pas vraiment exorbitants », dira un habitant de Bab El-Oued, rencontré au lieudit les Barreaux rouges d'Oued Koreich. Les prix varient entre 35.000 DA et 50.000 DA, selon la taille et la localité d'origine du mouton. « Ceux de Djelfa sont plus chers », dira un maquignon qui passe, depuis 15 jours, tout son temps avec ses bêtes. La vente de moutons est une activité très lucrative qui aiguise l'appétit des revendeurs issus des régions limitrophes de la capitale et même de plus loin. Ils savent qu'ils vont écouler leurs bêtes quitte à faire baisser les prix la veille de la fête. Ces commerçants occasionnels n'hésitent pas à enfreindre la règlementation en vigueur. Alors que les pouvoirs publics ont dressé une liste de marchés et lieux réquisitionnés pour la vente de moutons, ces marchands ambulants n'en ont cure, se hasardant avec leur troupeau même à l'intérieur des grandes villes, à Alger-Centre, notamment au Cadix et à Soustara. « Depuis mon jeune âge, je viens dans la capitale vendre mes moutons. Je ne connais aucun règlement. Je ne suis au courant d'aucune décision, la seule que je connaisse chaque année à pareille époque, c'est celle de céder un mouton contre de l'argent. » A Bouzaréah, des habitants ont loué pour la circonstance leurs garages ou carrément leurs habitations en construction. Sur les lieux, les revendeurs semblent avoir trouvé un endroit pour leurs bêtes le temps de les écouler. « Nos bêtes sont à l'abri, vaccinées et engraissées », dira Lakhdar. « Nous ne sommes pas des hors-la-loi, bien au contraire, nous rendons service aux citoyens », a-t-il ajouté. Une centaine de bêtes sont parqués dans ce garage de 70 m2. Lakhdar précise qu'il n'est pas maquignon, il a seulement proposé ses services pour garder les moutons, déjà vendus, jusqu'au jour de l'Aïd contre 1 500 DA. Dans les communes de Belouizdad et El Madania, comme chaque année, à la veille de l'Aïd El Kebir, des espaces entiers sont détournés de leur vocation, des commerces souvent transformés en enclos à bestiaux. Peu importe si des voisins sont indisposés par les odeurs qui s'en dégagent. Pour les vendeurs, l'argent n'a pas d'odeur et tous les moyens sont bons pour le gagner. « Ce sont des moutons du quartier, nous organiserons une opération de nettoyage après l'Aïd », dira un maquignon. A l'inverse, au niveau du marché Ali-Mellah, l'animation est plus fébrile. Pour attirer les clients, les vendeurs ont squatté le terrain vague situé au bas du marché. Ici, le mouton le plus cher est à 52.000 DA. « Il vient de la région pastorale de Mecheria », nous-dit-on. Les prix sont jugés « abordables ». Ici, même à 30 000 DA, on peut acquérir un mouton moyen. « Je pense que les gendarmes et les gardes-frontières ont eu un rôle dans cette baisse des prix, en luttant contre la contrebande. Les cheptels algériens restent en Algérie », a indiqué un acheteur. Ces « marchés » informels implantés un peu partout dans la capitale, engendrent des saletés et dégagent des odeurs nauséabondes. Du foin plein les rues, les cages d'escalier et les balcons des appartements des quartiers les plus résidentiels. L'odeur d'urine qui empeste l'air et les excréments dans la rue viennent s'ajouter au décor bien triste de nos grandes cités en cette veille de l'Aïd El Adha.